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Parcours autour du "104"

18 février 2019

Nous sommes à la frontière des 18e et 19e arrondissements.

La rue d'Aubervilliers sépare les deux arrondissements, côté pair la rue est dans le 19e, côté impair dans le 18e.

Le quartier a été marqué par une urbanisation liée aux activités ferroviaires.

La rue longe les voies ferrées qui mènent à la gare de l'Est, il est donc logique que de multiples entrepôts se soient installés dans ce coin de Paris.

À la fin du 20e siècle, l'activité industrielle périclite, beaucoup d'entrepôts sont abandonnés…

c'est l'heure de la reconversion !

Le 104, bâtiment des pompes funèbres érigé en 1870, ferme ses portes en 1997 et devient un centre culturel en 2008. Les terrains ferroviaires désaffectés sont aménagés en espaces verts.

Au 115, le mur Rosa Park est depuis 2016 la plus grande fresque de street Art du nord-est de Paris.

Cette opération urbaine mêle pratique artistiques et dialogue citoyen.

Un musée...

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Le CENTQUATRE

104 rue d'Aubervilliers / 5 rue Curial

 

Le lieu est très beau avec ses deux grandes halles et cours intérieures qui mêlent le verre, la brique, à des structures de fonte et de fer.

Le bâtiment est d'ailleurs inscrit au titre des Monuments Historiques depuis 1997.

Le 104 est considéré comme un véritable laboratoire culturel. L'après-midi, il est investi par des jeunes qui répètent, dansent, jonglent... la mission consiste à inviter des artistes de toutes disciplines à venir produire des œuvres en ouvrant régulièrement au public les portes de leur atelier pour montrer le cheminement de leur art.

Attention tout de même, la programmation est variée ( théâtre, danse, musique, cirque, expos...) mais on reste plongé dans l'unique art contemporain que parfois on aime ou... pas !

Pour se restaurer...

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Grand Central

à l'intérieur du 104

Une grande brasserie, style atelier avec ses grandes vitres cerclées de fer forgé, des chaises d'école en bois et des tables vintage. Le lieu est lumineux et agréable, le service sympathique.

Les prix sont aussi variés que les plats. Le midi : plat du jour à 13 €, café gourmand à 7 €.

Un très bon burger, dans lequel tout est vrai, même les frites, à 16,50 €.

Une librairie...

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La lucarne des écrivains

115 rue de l'Ourcq 75019 Paris

 

Une petite librairie originale et atypique !

C'est fouillis mais pas celui qui donne envie de fuir, plutôt celui de fouiller !

Quelques tableaux accrochés au mur, un canapé fatigué occupé par les livres qui n'ont pas encore trouvé leur place, les romans récents mais aussi et surtout beaucoup d'ouvrages qu'on ne voit pas ailleurs (notamment dans le domaine de la poésie contemporaine).

Très régulièrement, des soirées à thème sont proposées ainsi que des ateliers d'écriture créative.

Deux livres...

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Le guetteur de Christophe Boltanski stock 2018

 

“Mais qui guette qui ? Lorsque le narrateur découvre dans l'appartement de sa mère, le manuscrit d'un polar elle avait entamé “Le guetteur”, il est intrigué. Des recensements de cigarettes fumées, les pneus des voitures voisines crevés...

Comment vivait cette femme fantasque et insaisissable ? Elle qui aimait le frisson, pourquoi s'est-elle coupée du monde ? Elle a vécu à Paris avec pour seul compagnon son chien, Chips.

Maintenant qu'elle est morte, le mystère s'épaissit. Alors il décide de la prendre en filature et de remonter le temps.”

 

Ce livre est à la fois une enquête qui veut instaurer un suspense digne d'un vrai polar et la quête d'un fils à la recherche de l'image de sa mère.

Le sujet est effectivement intrigant. Cette femme, la mère du narrateur, est faite de zones d'ombre qui posent sans cesse question au lecteur.

Il est regrettable que le premier tiers du roman soit bâti sur une narration si confuse. On suit en parallèle les découvertes du narrateur, suite à la mort de sa mère, le début d'un manuscrit d'un polar écrit par cette dernière et un petit groupe d'étudiants qui militent pour l'indépendance de l'Algérie.

Les lieux et les époques se superposent, les indications pour se situer et identifier les personnages sont vagues. Le choix de narration n'est pas inintéressant mais dans le cas présent, l'exercice de style n'est pas particulièrement une réussite dans la mesure où il laisse le lecteur sur le bord du chemin.

Une fois que les éléments se précisent, le roman devient presque passionnant.

Le narrateur décrit sa mère comme une femme refusant les contraintes domestiques et très attachée à son domaine privé.

En remontant la vie de cette dernière, des bribes d'explication se font jours.

Tout d'abord, dans le domaine de l'éducation, cette femme énigmatique a été élevée par une mère qui “surveille chaque allées et venues”. “Dans ses placards, elle a accumulé une impressionnante collection de serviettes, de mouchoirs et de Tupperwares. Si elle pouvait, elle enfermerait soigneusement chacun des êtres qui vivent sous son toît dans des bols hermétiques”.

Viennent ensuite, les pages sur ses années de militantisme, et elles sont également passionnantes. On est complètement happé par l'intrigue, plongé dans l'opération Flore. Christophe Boltanski rend romanesque cette époque où l'on tracte, on se planque, on porte des valises....

Malheureusement, plus on s'approche de la fin du livre, plus “des boucles vont se boucler” mais pourtant on reste tout de même sur sa faim. Il me semble qu'on revient au point de départ : qui guette qui ?

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L'hiver du mécontentement

de Thomas B.Reverdy, Flammarion, 2018

 

“L'hiver du mécontentement, c'est ainsi que le journal le Sun qualifia l'hiver 1978-1979 où des grèves monstrueuses paralisèrent, des mois durant, la Grande-Bretagne.

Voici venir l'hiver de notre mécontentement, ce sont aussi les premiers mots que prononce Richard III dans la pièce de Shakespeare. Ce personnage, la jeune Candice va le jouer dans une mise en scène exclusivement féminine.

 

Un livre qui présente un tableau très intéressant d'une période charnière en Grande-Bretagne, l'hiver 1978-1979 est marqué par une crise au visage multiple.

Une crise politique majeure va permettre l'accès au pouvoir de Margaret Thatcher. La description de cette dernière et délicieusement sans complaisance.

Alors qu'elle est victime d'un attentat, dans lequel périssent quatre de ses collaborateurs, devant les journalistes, le matin après être allée chez le coiffeur, elle dira : “Et maintenant, c'est business as usual”.

À mon sens, les pages sur cette horrible dame de fer (ou Miss Maggie pour les fans de Renaud) sont les meilleures car elles font naître des émotions qui peinent à émerger dans le reste du livre. Dommage que cela n'arrive que dans le dernier tiers de l'ouvrage.

En tous les cas, le parallèle avec le personnage de Richard III est excellent. Ce dernier s'ouvre un chemin vers le trône en assassinant frère, neveux femme. Durant l'hiver du mécontentement, la classe politique anglaise n'est pas loin d'être secouée par la même violence.

La crise est aussi économique et sociale

Le roman rend assez bien compte de l'étendue des grèves et du niveau de pauvreté de la classe populaire.

Malheureusement cela manque d'un zeste de passion.

La jeune Candice, héroïne du roman traverse le désordre général, sur son vélo, elle voit, décrit, mais semble ne pas avoir d'opinion.

Disons que son avis n'est pas direct, il est conditionné à ses recherches pour comprendre qui est Richard III et le sens de sa conquête du pouvoir. Le personnage principal peine donc à toucher le lecteur, trop lisse, il contraste avec le contexte de changement sociétal historique.

 

“L'hiver du mécontentement” est au final une lecture en demie-teinte. Un assez bon roman mais trop inégal pour être excellent comme on l'espérait à la lecture du quatrième de couverture.

Quatre films...

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Wildlife, une saison ardente de Paul Dano

avec Carey Milligan, Jake Gyllenhaal, Ed Oxenbould,

1h45, drame, USA

 

“Dans les années 1960, Joe, un adolescent de 14 ans, regarde impuissant, ses parents s'éloigner l'un de l'autre. Leur séparation marquera la fin de son enfance..”

 

J'entends déjà : “que c'est long... il ne se passe rien...”

Mais on peut penser aussi que c'est un film sensible et plein de finesse. C'est plutôt dans cette idée que je m'inscris, prouvant ainsi s'il le faut que mon soi-disant “anti americanisme” (cinématographique) n'est pas si primaire que ça !

 

Wildlife fait à la fois preuve d'esthétisme et de profondeur quant au sujet. Certains plans ne sont pas sans rappeler des toiles de Edward Hopper.

Le jeune Joe va sortir de l'enfance en deux temps. Dans la première partie du film; il va petit à petit faire connaissance avec ses parents. Bien sûr, il les connaît depuis toujours mais son regard sur eux va prendre des teintes de réalité. À 14 ans, les parents cessent d'être les héros fantasmés de la petite enfance.

Joe découvre par petites touches, entre deux portes, en saisissant des bribes de conversation, les failles et désillusions de ceux qu'il pensait être les pilliers de sa vie.

Jusqu'à présent, il ne s'était pas interrogé plus avant sur leurs déménagements successifs. À 14 ans il est à même de comprendre que son père peine à conserver un emploi et que son “caractère” n'est pas forcément étranger à cette situation.

 

La deuxième partie du film est plus brutale. Joe est sorti de l'enfance avec la perte des illusions, mais après tout quoi de plus normal ! Ce qui l'est moins, c'est qu'il va être propulsé dans l'âge adulte par la force des choses.

Ses parents ne le protègent plus du spectacle de leurs échecs. De simple spectateur d'un éloignement de ses parents, il est plongé en plein cœur d'une terrible crise conjugale.

Joe sera tour à tour pris à parti et devra assumer des tâches et des rôles qui ne sont pas ceux d'un adolescent.

Il n'est pas totalement faux que le film est peut-être un peu trop long, mais c'est un beau récit plein de pudeur et de délicatesse.

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Edmond de Alexis Michalik

avec Thomas Solivérès, Olivier Gourmet, Mathilde Seigner, Tom Leeb, 1h50, comédie, France

 

 

“Décembre 1897, Paris. Edmond Rostand n'a pas encore trente ans mais déjà deux enfants et beaucoup d'angoisses.

Il n'a rien écrit depuis deux ans. En désespoir de cause, il propose au grand Constant Coquelin, une comédie héroïque, en vers, pour les fêtes. Seul souci : elle n'est pas encore écrite.”

 

Une très sympathique comédie.

C'est caricatural à souhait, parfois loufoque mais on se laisse entraîner avec plaisir dans le tourbillon qu'est ce film. C'est un très bel hommage au monde du théâtre et à la création artistique.

On commence à monter la pièce de Rostand alors qu'il n'en a écrit que deux lignes. L'écriture de Cyrano de Bergerac se déroulera sous nos yeux, l'auteur glanant des idées au café, dans sa vie personnelle et dans celle de ses amis... On se doute, bien sûr, qu'en réalité la genèse de la célèbre pièce est moins épique.

 

Mais, c'est-ce qui fait la drolerie du film et c'est une belle métaphore du bouillonnement de l'acte de création.

 

L'ensemble du microcosme du théâtre est représenté et Edmond devra composer avec les désirs et caprices de chacun. On trouve l'acteur vedette qui place son fils, très mauvais comédien; l'actrice qui trouve qu'elle n'a pas assez de réplique; des investisseurs corses dont les préoccupations sont assez étrangères à l'art; un régisseur qui doit être capable de se transformer en acteur, tout comme la costumière....On croise Sarah Bernhardt, grande amie de Edmond de Rostand. Clémentine Célarié la joue à merveille, la grande dramaturge est actrice, même hors des planches, prenant des poses dans la vie privée, dignes des plus grandes pièces classiques.

 

La pièce est jouée pour la première fois le 28 décembre 1887 et c'est un triomphe.

Politiquement, le contexte est plutôt à la morosité : la France est encore sous le coup de la défaite de 1870 et un certain nombre de scandales secoue l'État.

Le public veut rire avec Feydeau mais finalement il est aussi avide d'idéal.

Après ou malgré une naissance rocambolesque, Cyrano de Bergerac deviendra un archétype humain au même titre que Hamlet.

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Les invisibles de Louis Julien Petit

avec Audrey Lamy, Corinne Masiero, Noémie Lvovsky,

1h42,comédie, France.

 

 

“Suite à une décision municipale, l'Envol, centre d'accueil pour femmes SDF, va fermer.

Il ne reste plus que trois mois aux travailleuses sociales pour réinsérer coûte que coûte les femmes dont elles s'occupent : falsification, piston, mensonge... désormais tout est permis !”

 

Un hommage touchant qui prouve bien, s'il le fallait encore (?!) que personne “n'est rien” !

Les invisibles sont doubles : D'un côté, les femmes de la rue qui rasent les murs, avec leur barda qui contient leur vie entière, dont on ne sait où elle passe la nuit mais qu'on voit se presser aux portes de l'association dès son ouverture.

De l'autre, les travailleuses sociales dont on mesure souvent mal la difficulté du travail.

 

Le film éclaire l'ensemble de la problématique avec réalisme mais non sans une dose d'humour. Les répliques font mouche, on est dans l'humour et jamais dans la bouffonnerie, on est également dans la tendresse bienveillante et jamais dans le pathos.

 

Ce film est l'occasion de dresser un constat de la situation. Chaque journée est employée à dénicher un hébergement de nuit. Dans le cas présent, les locaux qui accueillent les sans-domicile-fixe pour la nuit sont certes, tout neuf, fonctionnels... mais loin du centre-ville, froids, dénués de l'essentiel : le contact humain.

 

Ce besoin n'est pas unilatéral. La galerie de personnages choisie pour représenter les travailleuses sociales en est la preuve. À chacune ses raisons, son degré d'implication, voire ses méthodes mais le fondement reste le même : le besoin de contact humain.

 

Le constat est dur, les centres d'accueil manquent de moyens. À l'heure de la rentabilité économique qu'on essaie d'appliquer à tous les domaines de la vie et à tous les âges, la société semble bien en peine de faire une place digne à ceux qui ont un parcours accidenté.

Les perspectives ne sont pas particulièrement optimistes. La solution ne passera que par “l'humain”, l'écoute, l'aide au retour de l'estime de soi. Non résolument personne “n'est rien” !

 

Les acteurs, professionnels ou non, sont très bons, le ton est juste.

En parallèle, le film a également le mérite de donner la parole à Corinne Masiero, lui donnant l'occasion de marteler, à juste titre; que la vie dans la rue est d'une dureté qu'on peine à imaginer et qu'elle l'est encore plus pour les femmes.

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Éric Clapton, Life in 12 bars 

2h15, documentaire, Grande-Bretagne

 

“ Éric Clapton est, pour des millions de gens, une légende vivante du blues et du rock. Véritable icône, il a traversé les décennies, connaissant gloire et succession d'épreuves. Malgré sa pudeur, il nous livre pour la première fois l'ensemble de sa vie, y compris ses drames les plus intimes.”

 

Ceux qui ne sont pas fans de Clapton passeront leur chemin. Les autres se dépêcheront d'aller le voir, car il se joue dans peu de salles, mais prennent le risque d'être déçu....un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ...pas du tout !

 

Le documentaire est composé d'images d'archives publiques mais également privées.

Certes, sa vie permet de comprendre son œuvre mais c'est cette dernière qu'on aurait aimé voir plus célébrée dans ce film.

C'est résolument trop long pour une démonstration simple : la guitare lui a souvent sauvé la vie, ses plus beaux morceaux sont le fruit d'une douleur. La répétition de certaines images n'a pas de véritable fondement. On voit bien, on comprend bien, on nous montre bien, que Éric Clapton a traversé une dure et longue période de déchéance : drogue et alcool.

Passer en boucle l'image du musicien en train de snifer n'apporte rien de plus si ce n'est l'impression de longueur, au détriment des images qu'on attendait tous : Clapton sur scène faisant ce qu'il fait le mieux : jouer de la guitare.

 

Cela dit, il reste tout de même très intéressant de découvrir les circonstances et l'historique des chansons qui nous touchent le plus.

La vie privée de Clapton est largement disséquée, les zones d'ombres ne sont pas épargnées. Le film aurait vraiment gagné à être plus équilibré.

On a la sensation de voir essentiellement le portrait d'un homme à la vie chaotique, au détriment du parcours musical de l'un des meilleurs guitaristes de tous les temps.

 

En 2h15, la lumière aurait largement pu être faite sur les deux aspects !

... pourquoi pas ?

... vraiment pas mal

... à ne pas manquer

... à fuir !

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