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Parcours spécial coronavirus (1)

22 mars 2020

Quel étrange moment que celui que nous vivons actuellement !

À la fois dramatique et exceptionnel, inédit et terrifiant car nous sommes dans le flou de l'avenir.

En attendant il va nous falloir trouver des occupations : les gastronomes vont cuisiner, les couturiers coudre, les doués de leurs mains fabriquer tout un tas d'objets…

Chez « Pourvu Qu'on Ait Livre's » nous n'avons pas ces talents. Nous ne savons que lire, aller au cinéma, au théâtre, visiter des expos... !!!

Nous vous proposons donc cette semaine un numéro spécial avec nos derniers livres lus et des films de notre sélection des «  trois flacons », disponibles en VOD.

Et n'oublions pas nos libraires indépendants... Lorsque nous n'aurons plus de nouveaux livres, relisons ceux qui nous avaient plus, il y a 1 ans, 10 ans 20 ans…pour mieux les retrouver à la fin de cet épisode.

Ne nous laissons jamais tenter par le grand méchant A...

Six livres...

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Les choses humaines de Karine Tuil,

Gallimard, 2019

“Les Farel forment un couple de pouvoir. Jean est un célèbre journaliste politique français, son épouse Claire est connue pour ses engagements féministes. Ensemble, ils ont un fils, étudiant dans une prestigieuse université américaine. Tout semble leur réussir. mais une accusation de viol va faire vaciller cette parfaite construction sociale.”

 

Malgré un certain nombre de critiques qu'on peut faire sur ce roman, on ne peut pas nier que c'est une réussite puisque on le dévore littéralement. À différents degrés, c'est le sexe et sa perception qui sont au cœur du propos.

Le sexe, comme instrument de pouvoir, comme déclencheur d'un changement radical de vie, comme un acte anodin pour les uns mais une agression pour les autres.

À travers son roman, Karine Tuil nous interroge et nous bouscule à propos de la notion de consentement. Ne pas hurler « non » lors d'un acte sexuel ne veut pas dire que c'est « oui ». Mais peut-on juger de la même manière un homme qui savait que c'est” non” et un homme qui pensait que c'était « oui ».

Toute la première partie du livre présente l'ensemble des principaux protagonistes.

À ce moment, la lecture ne me plaisait que moyennement. Je trouvais le procédé de narration très américain, un peu à la Douglas Kennedy. On étale la réussite sociale des héros pour mieux les faire chuter ! Aucun personnage ne trouve grâce aux yeux du lecteur tant chacun est tourné vers un objectif totalement égocentrique.

Si, au début, j'ai trouvé cela dérangeant, je reconnais qu'au final c'est mieux ainsi. Lors du procès pour viol, notre regard sur l'affaire est beaucoup plus objectif que si on s'était attaché à l'un ou à l'autre des personnages.

On finit par être complètement happé par cette histoire, il est difficile de refermer le livre tant on veut arriver au dénouement.

La plaidoirie du jeune avocat de la défense est magistralement écrite. Elle résume parfaitement la problématique : que juge t-on ? quel est le poids du regard de la société ? quel rôle des médias et des réseaux sociaux ?...

Regrettons tout de même que l'auteur, une fois de plus, sacrifie à l'air du temps en chargeant la dose sur les thèmes à la mode.

Cela donne quelques incongruités comme la présence dans un court passage d'un « sympathisant djihadiste » !

 

Cela dit, l'ensemble et le fond du roman posent un problème sur les rapports homme-femme auquel il est urgent de s'intéresser.

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Rien n'est noir de Claire Berest,

Stock, 2019

 

"Frida parle haut et fort, avec son corps fracassé par un accident de bus et ses manières excessives d'inviter la "muerte" et la "vida" dans chacun de ses gestes. Elle jure comme un charretier, boit des trempées de tequila, et elle ne voit pas où est le problème.

Frida aime par-dessus tout Diego, le peintre le plus célèbre du Mexique, son crapaud insatiable, fatal séducteur, qui couvre les murs de fresques gigantesques.”

 

Un bel hommage à Frida Kahlo qui a largement été une femme hors norme. La vie de cette femme est un poème : souffrance, passion, liberté, création... et c'est un peu comme un poème qu'est écrit ”Rien n'est noir”. C'est beau mais parfois l'aspect poétique, l'accumulation de métaphores et d'images m'ont semblé trop forcés.

Comme un tableau, les grands événements de la vie de Frida sont introduits par une nuance de couleur : bleu, rouge, jaune, noir. On suit avec une certaine passion le destin de cette femme dont le corps ne sera que douleur.

À 18 ans, elle est victime d'un terrible accident de bus, décrit magistralement par Claire Berest. Colonne vertébrale fracturée en trois endroits, clavicule cassée, des côtes brisées, la jambe droite fracturée en 11 endroits, pied droit broyé, épaule gauche démise, bassin fracturé, abdomen transpercé... après cette énumération, on ne peut qu'être admiratif face à cette femme qui malgré tout veut danser, aimer, créer !!

On assiste à la naissance d'une artiste. Frida peint comme un passe-temps et il lui faudra des années pour se vivre comme une artiste peintre.

Car avant tout, elle ne se sent que l'amoureuse de Diego Rivera.

Si beaucoup de moments de sa vie sont intenses voire dramatiques, il n'en sont pas moins empreints d'humour. On s'amuse d'une Frida, colorée de ses jupons mexicains, avec ses fleurs dans les cheveux, lançant, mine de rien, des provocations à la table des Rockefeller. On sourit de la voir détester André Breton qu'elle perçoit comme un petit dictateur du surréalisme.

Si Claire Berest nous peint une Frida au caractère bien trempé, on regrette de ne pas autant voir la Frida féministe et très politisée.

 

Dans ”Rien n'est noir”, on retient surtout l'amoureuse complètement dépendante de sa passion pour Diego. Il me semble que c'est un peu restrictif.

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La vie de Gérard Fulmard de Jean Echenoz

Les Éditions de Minuit, 2020

 

« La carrière de Gérard Fulmard n'a pas assez retenu l'attention du public. Peut-être était-il temps qu'on en dresse les grandes lignes. Après des expériences diverses et peu couronnées de succès, Fulmard s'est retrouvé enrôlé au titre d'homme de main dans un parti politique mineur où s'aiguise comme partout, les complots et les passions. Autant dire qu'il a mis les pieds dans un drame. Et croire, comme il l'a fait, qu'il est tombé là par hasard, c'est oublier que le hasard est souvent l'ignorance des causes. »

 

Une fois le roman achevé, ne reste que le sentiment d'un plaisir de lecture très éphémère et exclusivement lié au style de l'écrivain.

Jean Echenoz, auteur Goncourisé, étudié au lycée, dont l'œuvre est parfois décortiquée dans les amphis des universités de lettres nous laisse de plus en plus souvent perplexe ! On ne peut s'empêcher de penser : ”voilà quelqu'un qui écrit terriblement bien mais qui n'a rien à dire”.

“Vie de Gérard Fulmard” est une sorte de divagation humoristique sur des personnages fantasques dont il manque toujours des éléments pour nous les rendre totalement compréhensibles.

Gérard Fulmard, sorte de anti-héros ne serait pas désagréable à suivre dans ses aventures si on cernait un peu plus la réalité de son personnage. Malheureusement l'auteur a choisi de broder inlassablement autour de lui, sans jamais nous dévoiler l'essentiel de sa personnalité. Au final on ne saura jamais vraiment si ce Gérard est un pauvre fou ou un sacré malchanceux !

Et c'est le même procédé pour tous les personnages du roman. Les portraits sont plein d'humour mais la psychologie de chacun nous échappe complètement.

Le roman semble ficelé à la va-vite, donnant l'impression de lire une succession de scènes, certes très drôles, mais dont on ne voit pas l'intérêt.

Le monde politique décrit ici, en nous faisant entrer dans les coulisses d'un petit parti politique est truffé de complots mais manque de passion. Souvent le simple degré de loufoquerie est dépassé et alors seul le ridicule reste.

Il nous semble, chez «Pourvu Qu'on Ait Livre's » que Jean Echenoz s'est fait plaisir en réalisant un exercice de style mais qu'il a oublié l'histoire en route et parallèlement ses lecteurs !

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Une famille comme il faut

de Rosa Ventrella, Les Escales, 2018

“Dans son quartier de Bari, au sud de l'Italie, tout le monde connaît Maria sous le nom de Malacarne, “mauvaise chair” en raison de sa peau mate et de sa nature rebelle, un surnom qui lui colle à la peau telle une prophétie à laquelle elle ne pourrait échapper.

Maria grandit dans une famille pauvre, entre une mère douce mais effacée et un père violent et autoritaire…”

Un premier roman bien écrit qui se lit agréablement mais qui manque d'originalité pour être exceptionnel.

Maria vient d'un quartier populaire dont les descriptions sont saisissantes. Dès les premières pages, j'ai, à tort, situé les événements dans les années 60-70. Rapidement interpellée de découvrir que nous sommes en 1985, lorsque Maria est en CM1 et que débute le roman.

Maria vit son enfance dans la violence. Celle d'un père autoritaire dont on guette les humeurs. Celle du quartier, homophobe, machiste, tenu par la mafia. Celle de l'école où le maître joue encore de la règle en fer.

Le quartier est un lieu d'enfermement, la pauvreté une malédiction qu'on traîne de génération en génération, la violence une tare qui remplace les mots. Le père cogne et semble souvent reprocher à sa femme et à ses enfants de l‘y obliger !. Ses frustrations lui font mal aimer les siens.

La vie dans ce quartier populaire est bien rude. Les travailleurs honnêtes se tuent à la tâche tout en n'ayant jamais de quoi joindre les deux bouts. Les plus riches tiennent leurs gains de trafics en tout genre et la mort n'est jamais loin.

On suit Maria durant son enfance puis son adolescence. Son salut passera par les études, seule porte de sortie pour celle qui refuse un avenir toujours plus étriqué pour les femmes.

C'est un beau portrait d'une jeune fille forte qui veut vivre libre.

Cela dit, les trop grandes similitudes avec “L'amie prodigieuse” de Elena Ferrante font perdre originalité et force à ce roman. Certes Maria n'est pas tout à fait Lena et Michele n'est pas Lila mais tout de même, ces amitiés posent la même problématique. Á la fois recherchées, elles sont parfois nocives.

On retrouve avec intérêt les  ambiances : les commères, les familles de voyous, les nombreuses mentions faites à propos de l'utilisation du dialecte qui marque à lui seul une frontière entre les classes sociales.
 

Malheureusement pour Rosa Ventrella, les éléments romanesques ont déjà tous été utilisés par sa compatriote.

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Le champ de Robert Seethaler,

Sabine Wespeiser Éditeur, 2020

 

“Comment caractériser une vie entière ? Les voix qui s'élèvent ici sont celles des habitants du cimetière, qu'on nomme « le champ » dans la petite ville de Paulstadt.

À la concision des épitaphes, l'écrivain substitue les mots des défunts. Par un souvenir, une sensation fugace, une anecdote poignante, chacun de ces narrateurs évoque ce que fut son existence.”

 

Plein d'originalité et de poésie, cet ouvrage a parfois plus l'allure d'un recueil de nouvelles que d'un roman. À travers ses mots, c'est le portrait d'une bourgade que l'auteur dessine sous nos yeux. Les uns évoquent leur jeunesse, leur existence, les autres, un échec, un bonheur…

Les témoignages sont multiples et sont le reflet de la diversité des individus qui évoluent dans une même communauté.

Certaines figures apparaissent au travers de plusieurs récits de façon plus ou moins directe : le curé, Le Maire, le marchand de légumes, la fleuriste…

Parfois on regrette que les liens entre les différents personnages ne soient pas plus explicites. Les portraits sont tour à tour émouvants, poignants, tendres, drôles... mais les meilleurs pages restent celles où le point de vue sur un même événement diverge. Une femme qui, tout sourire, se dirige vers un homme, c'est le début d'une histoire sentimentale. L'homme ne saura jamais qu'elle l'a pris pour un autre !

 

Une fois la lecture achevée, on retient surtout les portraits croisés. Les autres, malgré une belle écriture, nous font passer un agréable moment de lecture mais s'évaporent de nos souvenirs si rapidement que cela laisse un léger sentiment de frustration.

Tout au long des pages, Robert Seethaler semble vouloir explorer l'âme humaine sans jugement et sans grandes déclarations péremptoires.

 

L'ensemble est assez bien résumé par cette introduction d'un des protagonistes : « Réfléchir à la mort de son vivant. Une fois mort, parler de la vie, à quoi bon ? Les vivants n'entendent rien à la première, ni les morts à la seconde. Il y a des souvenirs, il y a des pressentiments. Les uns et les autres peuvent se tromper. »

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Azur noir de Alain Blottière,

Gallimard, 2020

 

“Il vit Rimbaud retirer sa veste et la tenir à l'épaule, prendre la rue de Strasbourg puis s'engager dans le boulevard de Magenta vers le nord…

Léo vient d'emménager avec sa mère à Montmartre, à l'endroit même où Verlaine et Rimbaud se sont rencontrés et aimés cinquante ans plus tôt.”

 

Difficile de conseiller un livre quand on en a aimé que la moitié et que cette demie-teinte n'est pas linéaire !

Je ne peux pas dire « lisez la première partie, ni même, courage la deuxième partie vaut la peine ! »

Ici tout est entremêlé et c'est l'intérêt, mais du coup c'est compliqué pour le lecteur qui n'est pas emballé par l'ensemble tout en prenant un réel plaisir à un aspect de la narration. En bref, c'est aussi compliqué que la phrase que je viens d'écrire !!

 

Le fil conducteur est la poésie, dans un Paris, lieu des amours de Rimbaud et Verlaine.

Le jeune Léo, un adolescent de notre temps nous fait revivre l'arrivée de Rimbaud dans la Capitale. le jeune poète a quitté Charleville-Mézières et va vivre quelques temps sous le même toit que Verlaine, son épouse enceinte et ses beaux-parents.

Ce toit se trouve rue Nicolet et c'est dans cette maison bourgeoise transformée en petit immeuble que Léo va petit à petit s'identifier au poète vagabond.

J'ai été plutôt conquise par tous les passages qui évoquent le Paris littéraire d'il y a plus de 100 ans. On suit Rimbaud dans ses déambulations, ses inspirations et ses débauches. Le jeune homme est un génie qui a ensorcelé Verlaine mais il n'est ni sérieux ni sage. Le jeune homme n'a peur de rien et n'hésite pas à secouer les vieux poètes.

En parallèle, je n'ai pas du tout adhéré au processus d'identification du jeune Léo à Rimbaud. Seul chez lui durant un été caniculaire à la veille de son année de première (sa mère est partie en vacances), il pense devenir aveugle. Je n'ai pas été convaincu par cet ado poète qui marche dans les pas de son modèle.

Il nous raconte le temps passé à travers des visions lors de moments de cécité.

Il flotte un air de fin du monde qui m'a gâché la lecture. Dommage pour la bonne cliente que je suis de ce genre d'ouvrages qui mêlent artistes du passé et romanesque.

Cinq films...

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Adults in the room de Costa Gavras

avec Christos Loulis, Alexandros Bourdoumis,

2h04, biopic-drame, Grèce France

 

“Après sept années de crise, le pays est au bord du gouffre..

Des élections, un souffle nouveau et deux hommes qui vont incarner l'espoir de sauver leur pays de l'emprise qu'il subit.. Nommé par Alexis, Yanis va mener un combat sans merci dans les coulisses occultes et entre les portes closes du pouvoir européen”

 

Un très bon film, à la fois haletant et oeuvre utile.

Adults in the room est une tragédie grecque tristement moderne. Le choix de l'angle de vue était périlleux. Suivre les méandres du pouvoir politique européen aurait pu donner naissance à un film bavard et ennuyeux. Ce n'est pas le cas, bien au contraire. Costa-Gavras a réussi habillement à mêler pédagogie et suspense digne d'un thriller.

Si « Z » était un plaidoyer contre la dictature militaire, « Adults in the room » est un plaidoyer contre la dictature économique de l'Union européenne.

 

On suit avec émotion, Yanis Varoufakis batailler (car c'est bien d'une bataille quasi au sens guerrier dont il s'agit) pour renégocier la dette de la Grèce. Confronté aux images d'un peuple en souffrance : chômage de masse, fermeture de nombreux commerces, baisse effroyable des salaires et pensions…, le spectateur ne peut voir en la Troïka qu'une bande de tueurs à gage à la solde des pays économiquement les plus forts de l'Union.

 

L'humain est gommé au profit des chiffres, l'austérité est présentée comme la seule et unique solution, les puissances financières ont pris le contrôle du politique.

Yanis Varoufakis se démène dans ce milieu austère et hostile mais Alexis Tsipras n'en sera pas moins pris dans un étau inextricable.

Élu pour un programme symbolisant un nouvel espoir pour le peuple grec, il est sous la coupe d'un chantage financier exercée par l'Union européenne.

 

On ressort de ce film terrifié !

D'une belle idée qu'est l'Europe, on constate que nous avons créé un monstre.

Costa-Gavras nous alerte avec force : les gouvernements ne sont plus que des pantins et dans le monde moderne, ce sont les peuples qui sont renversés !

VOD : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=272251.html

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Les hirondelles de Kaboul de  Zabou Breitman et ÉLéa Gobbé-Mévellec

1h21, aanimatio, France.


 

 “Été 1998, Kaboul en ruines est occupée par les talibans. Moshen et Zunaira sont jeunes, ils s'aiment profondément.

 En dépit de la violence et de la misère quotidienne,  ils veulent croire en l'avenir.

 Un geste insensé de Moshen va faire basculer leurs vies.”

 

Un très beau film. Le fond est d'une grande dureté mais on s'y attendait puisqu'il s'agit d'une adaptation d’un des livres “choc” de Yasmina Khadra.

 Certains éléments ont été modifiés mais le propos reste le même.

 

 Moshen et Zunaira, après avoir vécu libres de lire, d'aller au cinéma, de s‘aimer en public ne parviennent pas à vivre dans le monde étriqué, imposé par les talibans. La scène de malaise ressenti par Zunaira lorsqu'elle enfile le tchadri est très bien menée.

 Elle rend visuelle les excellentes pages de Yasmina Khadra.

Les femmes sont comme prisonnières dehors, leur champ de vision est restreint et leurs mouvements entravés.

Face à ce jeune couple qui veut garder espoir, un autre couple semble ne pas se satisfaire du nouveau visage de Kaboul.

 

Atiq dont la femme est en phase terminale d'un cancer, s'est battu contre les Russes, il n'avait vécu jusque-là que pour l'indépendance de son pays. Aujourd'hui, il ne trouve pas sa place dans sa ville détruite, miséreuse où l'activité principale semble être la lapidation des femmes bien vite accusées d'adultères, de meurtres...

 L'espoir viendra peut-être de la rencontre entre la jeunesse cultivée éprise de liberté et le vieux moudjahidin dont la lutte a été dévoyée.

 

 Le dessin est très beau, il permet de prendre une distance salvatrice par rapport à la dureté et à la violence du sujet. Sans la pureté du trait, sans l'harmonie des couleurs, sans l’esthétique de l’enchaînement des plans, ce serait difficilement supportable.

VOD : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=257862.html

Les fleurs bleues de Andrzej Wajda

avec Béoguslaw Linda, Bronislawa Zamachowska

1h38, biopic, drame, Pologne.

Dans la Pologne d'après-guerre, le célèbre peintre Wladyslaw Strzeminski, figure majeure de l'avant-garde, enseigne à l'école nationale des Beaux-Arts de Lotz.

Il est considéré, par ses étudiants comme le grand maître de la peinture moderne mais les autorités communistes ne partagent pas cet avis.

Pour son dernier film, Wajda nous entraîne dans l'histoire politique et l'histoire de l'art . C'est un beau portrait de résistance et de conviction “jusqu'au-boutiste”. Le personnage est intéressant, théoricien de l'art, totalement absorbé par son œuvre, il a un côté dur pour son entourage. Comme il le dit lui-même à propos de sa fille “elle aura la vie dure”.

Wladyslaw Strzeminski, n'est pas contestataire direct du régime, mais pas besoin de tant pour être broyé par un régime dictatorial. Au nom de l'art, de son art, le peintre refuse de se conformer aux exigences du parti quant à l'esthétisme du réalisme socialiste.

On assiste alors à la chute inexorable de l'artiste et de l'homme. Un acharnement qui fait froid dans le dos. Renvoyé de l'Université, rayé de la Société des Artistes, il n'a plus les papiers adéquats pour travailler, pour recevoir les bons alimentaires, ni même le droit d'acheter des tubes de peinture.

L'acharnement des autorités à pour but de le faire disparaître et de détruire toutes ses oeuvres.

On se questionne aussi sur l'avenir de sa fille d'une dizaine d'années, traversant la grisaille des rues et le dénuement de sa famille avec son éternel manteau rouge.

Quel dur apprentissage de la vie dans la Pologne des années 50 !

Elle voit son père mourir dans la misère, peu de temps après la mort de sa mère. Le film ne le dis pas, mais on peut s'interroger sur son sort : Que devient-on lorsqu'on est la fille de Katarzma Kobro, dont une grande partie des œuvres a été détruite par les nazis (l'art dégénéré !) et de Wladyslaw Strzeminski ?

 

Ce film est le beau portrait d'un artiste intègre.

À voir, aussi bien par ceux qui ont le goût de l'histoire des arts que le goût de l'Histoire tout court.

VOD : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=227478.html

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Parasite de Bong Joon Ho

avec Song Kang-Ho, Lee Sun- Kyun, Cho Yeo-Jeong, 2h12, thriller, Corée du Sud.

Palme d'Or au Festival de Cannes 2019

 

 

“Toute la famille de Ki-Taek est au chômage et s'intéresse fortement au train de vie de la riche famille Park.”

 

Excellent !!

Bong Joon Ho a parfaitement réussi un savant mélange des genres.

Le thème est éminemment social, le fil conducteur n'est jamais rompu mais ambiance et ton changent au rythme des péripéties.

Ce qui au départ semblait être une comédie sur la débrouillardise d'une famille pauvre et la superficialité d'une famille riche, s'achemine vers un vrai drame social et bascule dans le thriller passablement sanglant !

 

La famille de Ki-Taek vit dans un taudis en sous-sol et vivote de petits boulots ...comme le pliage des boîtes de pizza en carton. Leur entrée, petit à petit, dans la famille qui vit dans une splendide maison d'architecte, sur les hauteur, est à la fois le fruit du hasard et de ruses.

La confrontation des deux mondes est assez drôle, on est dans un humour grinçant et subtil.

Seul le spectateur sait à quel point la famille de Ki-Taek est pauvre.

Les Park pensent avoir à leur service des employés, qui certes doivent rester à leur place, mais pas des précaires qui vont vite être prêts à tout pour profiter un peu du luxe dont même les miettes sont bien belles (ainsi les gâteaux pour chiens ont l'air bien meilleurs que leurs repas ordinaires !)

 

La mise en image et la mise en scène pour illustrer les inégalités sociales sont parfaitement réalisées. La symbolique de la pluie diluvienne marque un cran dans le passage vers le drame social.

Les quartiers populaires sont inondés, les pauvres trouvent refuge dans un gymnase tandis que les riches, sur leurs hauteurs, rentreront dépités que leur weekend camping soit ...tombé à l'eau !

Qu'on se rassure, ce film n'est pas pétri de bons sentiments.

Les riches ne sont pas “des méchants”, juste des gens qui paraissent souvent bien écervelés, tant ils n'ont pas conscience du monde qui les entoure.

Les pauvres ne sont pas “des gentils”, d'ailleurs il n'existe pas de solidarité de classe, hors de la famille.

 

Le bon dosage d'humour, de réflexion, d'émotion et de suspense fait qu'on ne s'ennuie pas.

Seul, le dernier quart d'heure est peut-être de trop. Une fois le drame arrivé à son paroxysme, il n'y avait pas de nécessité absolue de nous montrer “l'après”.

Parasite est un film original qui a bien mérité sa palme d'or.

VOD : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=255238.html

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Sorry we missed you de Ken Loach

avec Chris Hitchen, Delbie Honeywood

1h40, drame, France Belgique

 

"Ricky, Abby et leurs deux enfants vivent à Newcastle. Leur famille est soudée et les parents travaillent dur. Alors qu'Abby travaille avec dévouement pour des personnes âgées à domicile, Ricky enchaîne les jobs mal payés."

Merci à Ken Loach de recentrer le débat sur l'essentiel, l'humain. Pas l'humain comme élément de la cosmologie, devant vivre en harmonie avec la nature... L'humain inscrit dans un monde du travail qui sous couvert de « liberté » (de choix, d'entreprendre) anéantit tout ce qui fait le plaisir de vivre : vie de famille, loisirs, travail épanouissant, relations sociales…

 

Ken Loach pose parfaitement bien la question des conditions de travail. Point primordial et au final préalable à tous les débats qui secouent aujourd'hui notre société : place du numérique, écologie, éducation des enfants…

Ricky, le père de famille est pris au piège de ce fantasme qui court de plus en plus les rues aujourd'hui : être travailleur indépendant.

On ne veut plus de patron sur le dos.. on trouve pire, un boîtier qui ne vous laisse pas plus de deux minutes de pause, qui enregistre vos déplacements, mesure votre rendement à chaque moment de la journée. Ricky va trouver le contraire de la liberté.

 

Quel mensonge que cette nouvelle forme de travail. Il n'est plus un employé, il est un collaborateur. Quel beau mot en échange de quoi, il paye son camion, son assurance, son essence, des amendes si il ne trouve pas de remplaçant le jour où il ne peut venir travailler.

Bien sûr, pas de couverture sociale.... !

C'est avec tristesse qu'on voit cette famille se perdre.

 

Ken Loach remet les choses à plat. Quand le système force à survivre plutôt qu'à vivre, on n'a plus les moyens de s'occuper de ses enfants, de réfléchir, ni le temps pour ce préoccuper du devenir de la planète.

 

Un film social, salutaire, qui met en images une réalité qu'il est temps de dénoncer comme l'exact contraire du progrès.

VOD : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=264872.html

... pourquoi pas ?

... vraiment pas mal

... à ne pas manquer

... à fuir !

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