top of page

Escapade à Москва (Moscou)
Juillet 2019

“Elle parlait en phrases sobres

De la révolution d'Octobre

Je pensais déjà

Qu'après le tombeau de Lénine

On irait au café Pouchkine

Boire un chocolat

La place Rouge était vide”

 

Gilbert Bécaud

 

 

Moscou, si près et si loin à la fois. À 3h30... de ce mot qu'on ose presque plus prononcer en ce moment en ... avion !

Et pourtant si dépaysant.

Les plus écolo peuvent s'y rendre en train (37h) c'est sûrement charmant mais il leur faudra plus de temps.

Certes, Moscou n'est pas la Russie mais c'est un premier pas dans une histoire et une civilisation étrange pour les uns, fascinante pour les autres.

Le tzarisme, le communisme et aujourd'hui le libéralisme... la Russie a traversé de gré ou de force tous les “ismes” avec une abnégation ou un fatalisme qui peut paraître étonnant !

L'ère soviétique n'a pas entièrement fait table rase du passé, la culture depuis toujours tient une place particulière dans ce pays rude dans son climat autant que dans ses rapports humains.

Il faut braver les préjugés et ne pas manquer cette escapade !

Petite visite...

P1010403.JPG

La place Rouge :

 

Le Kremlin

 

Forteresse située au cœur de Moscou, l'enceinte extérieure domine la place Rouge et la Moskova, rivière qui traverse Moscou.

À l'intérieur sont rassemblés des cathédrales et des palais dont le Grand Palais du Kremlin.

Les premières traces d'une forteresse datent de 1331, il s'agit alors d'un talus de terre de 8 mètres de haut, surmonté d'une palissade de 3 mètres.

Dans sa forme actuelle, le kremlin date du 15e siècle. Il faut une résidence digne du prestige de Ivan III, devenu Grand-Prince de toutes les Russies.

Après avoir été la résidence officielle des tzars puis des dirigeants de l'Union soviétique, il est aujourd'hui le lieu de travail du président de la Fédération.

Symbole du pouvoir,  le Kremlin se voit de loin avec toutes ces tours différentes les unes des autres.

IMG_1761.JPG

La cathédrale Basile-le-Bienheureux

 

Magnifique ! Symbole de l'architecture traditionnelle russe, la cathédrale Basile-le-Bienheureux date du 16e siècle. Les bulbes qui lui donnent son charme datent de 1583, ils ont été peints de plusieurs couleurs en 1670. Le point culminant de l'édifice s'élève à 65 m. La cathédrale est ornée de neuf coupoles et le bâtiment est essentiellement construit en briques rouges.

 

À l'origine la cathédrale porte un autre nom : église de l'intercession-de-la-Vierge-sur-le-fossé,

voulue par le Tzar Yvan IV pour célébrer la prise de Kazan par les troupes russes. Elle est plus connue sous le nom du Saint dont elle abrite le tombeau. Né en 1469, Basile le Bienheureux est un personnage singulier, il déambulait nu toute l'année, couchait à la belle étoile, observait constamment le carême et portait des chaînes !

IMG_1749.JPG

Le Goum

 

“Magasin principal universel”. En 1886 les commerçants déjà sur les lieux s'organisent en “société des galeries supérieures de la place Rouge à Moscou” et décident de lancer un concours d'architecture pour créer un bâtiment durable.

Le bâtiment monumental est construit entre 1890 et 1893 en marbre, grès et granit, le tout recouvert d'une immense verrière semi-cylindrique de 14 m de diamètre.

Inauguré le 2 décembre 1893, il est à l'époque le plus grand centre commercial du monde.

Après la révolution de 17, le magasin est nationalisé, transformé en bureaux aux commissions du plan quinquennal, il retrouve en 1953 sa fonction de magasin.

À l'époque, les denrées sont rares et les queues légendaires. Aujourd'hui, c'est le temple de l'argent avec 200 boutiques spécialisées principalement dans le luxe.

 

Lire à ce propos les très bonnes pages (de 11 à 15) de Dominique Fernandez dans “Place Rouge”

Loubianka.JPG

La Loubianka

Un très beau palais...qui fait froid dans le dos !

Construit en 1898 dans le style néo baroque, le bâtiment de couleur ocre est imposant.

Il est tristement célèbre pour avoir abrité le quartier général des services de renseignement soviétique ainsi qu'une prison.

La Tchéka, le KGB, aujourd'hui le FSB... tout un symbole !

La prison interne pouvait accueillir de 200 à 600 prévenus.

À partir de 1930, la Loubianka devient une “prison executive”, les caves sont alors aménagées à cet effet.

On passe, on regarde mais l'histoire donne très peu envie de s'attarder ici !

IMG_1737.JPG

Théâtre du Bolchoï

 

Symbole de la culture russe, c'est une salle prestigieuse où sont présentés pièces de théâtre, opéras et ballets.

Le magnifique bâtiment avec 8 colonnes surmontées d'un fronton triangulaire au-dessus duquel trône un imposant quadrige d'Apollon, a été construit en 1825 puis reconstruit en 1853 après un incendie.

Le Bolchoï a été le lieu de nombreuses premières historiques dont le Lac des Cygnes de Tchaïkovski en 1877.

P1010455.JPG

Bibliothèque d'Etat de Russie

 

Le bâtiment est étrange... monumental et mêlant les styles sans complexe.

Le lieu est gardé à l'entrée par une statue d'un Dostoïevski plutôt austère.

Fondée en 1862, elle est la première bibliothèque gratuite ouverte au public.

Entre 1922 et 1991, au moins une copie de chaque livre publié en URSS était intégrée à la bibliothèque.

Avec ses 17,5 millions de volumes, c'est la plus grande bibliothèque du pays et l'une des plus grande du monde.

Bibliothèque Roumiantsev, elle a été bibliothèque "Lénine" avant de devenir en 1992 Bibliothèque d'Etat de Russie.

IMG_1799.JPG

L'étang des patriarches

Les lecteurs de Boulgakov ne manqueront pas d'y faire un tour puisque c'est ici que se déroulent les premières scènes de son roman “Le Maître et Marguerite”. De plus ce quartier est celui de l'auteur.

L'étang du 17e siècle, est créé par les patriarches de l'Église à des fins de viviers.

À l'origine, il y avait trois étangs. Les installations ont été laissées à l'abandon puis reprises en main lors de la reconstruction, suite à l'incendie de Moscou.

Deux étangs ont été comblés et le troisième aménagé en pièce d'eau d'agrément entourée de verdure.

Tout autour, de beaux immeubles sont construits dès le début des années 1900. L'endroit est une sorte d'oasis au coeur du quartier et l'étang sert de patinoire l'hiver.

Ministère_des_affaires_étrangères.JPG

Arbatskaya

 

Un vrai quartier pour flâner le nez au vent. Ici on rencontre tous les styles d'architecture et on marchera dans les pas des plus grands noms Moscovites : Pouchkine, Tolstoï,...

Le quartier est considéré comme bohème et intellectuel. Plusieurs maisons-musées en sont un témoignage.

La présence pesante du pouvoir n'est pas absente du quartier. Au bout d'une sympathique rue piétonne, on ne peut pas manquer le ministère des Affaires étrangères.

Le bâtiment, inauguré en 1953, fait partie du groupe des gratte-ciels staliniens, connu sous le nom de “sept sœurs”, il mesure 172 m de haut pour 27 étages.

P1010452.JPG

Le parc Gorki

 

Ouvert en 1928, les aménagements sont peu à peu tombés en décrépitude au cours de la seconde moitié du 20e siècle.

Aujourd'hui, entièrement repensé, il est le parc favori des Moscovites.

Situé le long de la Moskova, avec une superficie de 1,2 km carré, le parc est à la fois un lieu de détente et de loisir. Des jeux pour les enfants, des cafés, un lac... l'endroit est charmant.

Malgré les controverses, le parc a gardé son nom, celui de Maxime Gorki (1868-1936) écrivain révolutionnaire.

Pour se restaurer...

café_Pouchkine.JPG

Le café Pouchkine

Tverskoy boulevard 26 A 

Célèbre, plus encore, mythique et pourtant si récent !

Le café Pouchkine a été fondé en 1999, trente-cinq ans après avoir été inventé par Gilbert Bécaud avec sa chanson “Nathalie”.

Le café Pouchkine, installé dans un hôtel particulier du 17e siècle avec un décor intérieur très beau, fait de boiseries et de pièces thématiques : pharmacie, bibliothèque...

Victime de son succès, en période d'affluence, le chocolat chaud se prend malheureusement dans le bâtiment d'à côté. L'endroit est joli mais ce n'est pas pareil, sauf pour les prix ! Élevés !

Resto soviet.JPG

Sovietskiyé Kremena

Varsonofevski per. 6

Vraiment sympathique, pas cher du tout et plutôt bon.

L'ambiance est rouge, des affiches de Lénine, des couvertures de vieilles éditions de la Pravda, la faucille et le marteau....tout y est !

On paye à la commande qu'on prend au bar, on s'installe, on attend sagement que notre plat soit annoncé....

Environ 400-500 RUB pour un repas complet.

Resto les Zamis de Jean Jacques.JPG

Les Z'amis de Jean-Jacques

Oul. L'va Tolstogo

(rue de la maison musée Tolstoï)

 

C'est une chaîne, on en trouve donc plusieurs autres dans la ville.

Un chouette compromis ou mariage entre la cuisine russe et française.

On mange bien dans un décor style ancienne gare.

Sur les tables, des crayons de papier sont mis à disposition pour gribouiller ou se prendre pour Pouchkine, au choix !

Original burger fait avec une pâte à croissant, bon bœuf strogonoff à 440 RUB

Des musées...

Maison musée Tolstoï.JPG

La Maison-Musée Tolstoï

Ulitsa L'va Tolstogo

 

Très belle visite, à la fois littéraire mais surtout témoin d'une vie passée.

L'habitat est très bien conservé, c'est une des seules maisons de ce type qui existe encore aujourd'hui à Moscou.

La maison principale date des années 1800-1805. Demeure en bois, elle est entourée de plusieurs maisonnettes à usage des communs et d'un jardin de un hectare.

L'extérieur est charmant, l'intérieur est très beau.

On est plongé dans l'ambiance des années 1893-1895.

Dans cette maison, Léon Tolstoï passa neuf hivers avec sa famille de 1882 à 1901 et y a écrit plus d'une centaine d'oeuvres.

On regrette vivement que rien ne soit proposé en français, ni audioguide ni plaquette... Étonnant quand on constate que cette année,  le lieu a établi un partenariat avec la maison de George Sand à Nohant et propose une belle expo sur cette dernière dans le jardin !

P1010441.JPG

Le Parc des statues déchues

Dans le jardin de la nouvelle galerie Tretiakov

ul.Krymsky Val

 

Une promenade à la fois bucolique, historique et artistique.

Le parc rassemble de nombreuses sculptures de figures du Parti communiste ou symbolisant celui-ci qui ont été déplacées à la suite de la chute du régime en 1991.

On trouve également dans ce parc des oeuvres d'art contemporain.

iI y a quelques années, les statues étaient “plus posées” de façon anarchique, ce qui donnait une atmosphère assez particulière au lieu.

Aujourd'hui tout ça est assez organisé, le temps a fait son œuvre, ces statues déchues qui ont échappé à la destruction, sont entrées dans l'Histoire.

IMG_1700.JPG

Cimetière de Novodiévitch

Loujnetsky proezd

(À côté du monastère de Novodiévitchi)

 

Attention, il est souvent indiqué comme étant gratuit, ce n'est pas le cas (300 RUB).

 

C'est l'équivalent russe du Père-Lachaise.

Beaucoup de pierres tombales sont impressionnantes par leur qualité esthétique ou leur démesure.

Sans guide, c'est un véritable jeu de piste pour décrypter les inscriptions en cyrillique.

Ouvert en 1849, c'est le cimetière le plus prestigieux de la ville.

Anton Tchekhov est une des premières personnalités à y être enterrée.

Dans les années 1930, les autorités soviétiques décident de détruire les cimetières des monastères médiévaux moscovites, seul celui-ci échappe à la démolition.

Dans les allées boisées, on peut partir à la recherche de Nicolas Gogol, Nikita Khrouchtchev, Serge Prokofiev, Michael Boulgakov...

Le Mausolée de Lénine.JPG

Le Mausolée Lénine

sur la place Rouge, le long du mur du Kremlin

 

Attention, ne prendre aucun billet avec guide en pensant ainsi éviter la longue file d'attente. Il n'y a pas de coupe file, tout le monde passe à la fouille, billet ou pas, et comme l'entrée est gratuite...

 

L'endroit est solennel et ne laisse pas indifférent. La visite est courte mais pleine de gravité, l'endroit sombre est bien gardé. On ne parle pas, on sort les mains de ses poches, on ne s'arrête pas...

Le corps embaumé de Vladimir Ilitch est exposé au public depuis 1924, année de sa mort.

La forme actuelle du mausolée date, quant à elle, de 1930.

De forme pyramidale, la salle funèbre est en sous-sol. Depuis 1973, le corps repose dans un cercueil de verre à l'épreuve des balles !?

C'est à la fois une curiosité et un morceau d'Histoire.

IMG_1770.JPG

Musée de l'histoire du Goulag

Y Samotechnyy Pereulok 9

Si vous n'êtes, ni russophones ni anglophones, vous n'irez que pour l'ambiance et la charge émotionnelle liées aux photos et objets personnels d'anciens détenus.

La muséographie est très bien faite, à la fois moderne et reflétant la gravité du propos.

La première salle, glaçante, expose une série de portes de cachots symbolisant la privation de liberté.

Ensuite des photos de détenus sont projetées sur des murs de briques.

Dessins, photos, livres ponctuent chaque étape de la visite. Le parcours est bien conçu visuellement et “Pourvu Qu'on Ait Livre's” ne donne son avis que sur cet aspect.

Nous nous garderons bien d'émettre une opinion sur le fond, qui faute d'une compréhension fine, a pu nous échapper.

Certains pensent que le musée n'explore pas toutes les responsabilités et que beaucoup d'aspects de l'histoire du goulag sont passés sous silence.

Les puces.JPG

Les puces : Izmaïlovo

métro : Partizanskaya

 

Un lieu très original composé d'un faux Kremlin un peu kitch. On rentre dans une drôle de forteresse médiévale tout en bois.

L'entrée est consacrée aux stands de souvenirs pour touristes mais à prix raisonnables. Plus loin, on pénètre dans une ambiance un peu plus locale avec notamment des objets très militaires comme des armes (attention photos interdites).

À l'étage, on arrive dans le domaine des vrais brocanteurs.

 

C'est vraiment un marché plaisant, aussi bien pour les achats que juste pour flâner.

La petite restauration est locale et très peu coûteuse.

Quand on a le temps, il ne faut pas manquer ce lieu qui est une institution pour les Moscovites.

Une librairie...

Librairie.JPG

Moskva

ul. Tsverskaya 8/1

 

Une très belle librairie, la plus ancienne de Moscou.

Comme souvent, il y a aussi un rayon “souvenirs” et “papeterie”.

Des rencontres avec des auteurs ont l'air d'être organisées assez régulièrement.

Il y a un beau rayon de livres en langues étrangères mais comme souvent, c'est la langue de l'impérialisme qui a la part la plus belle !

Le voyageur français qui n'aurait pas mis assez de livres dans sa valise pourra tout de même trouver de la lecture sur les trois étagères dévolues à la langue de Molière.

Six livres...

IMG_2844.JPG

"Marina Tsvétaïeva, mourir à Elabouga" de Vénus Khoury Ghata, Mercure de France, 2019

 

 

“Immense poète russe, fervente amoureuse, menant plusieurs liasons à la fois :

Rilke lui préfère Lou Andreas-Salomé, Pasternak en épouse une autre mais la protège jusqu'à sa mort, au bout d'une corde dans un grenier d'où elle avait vue sur le champs qu'elle grattait à mains nues à la recherche des pommes de terre oubliées des paysans. une vie débordante d'épreuves...”

 

Une biographie romancée qui ne prend, malheureusement, que la forme d'un bel hommage à la poétesse. La romancière Vénus Khoury-Ghata (elle même également poétesse) s'adresse directement à Marina Tsvétaïéva, utilisant le “tu” qui créé immédiatement un lien affectif, un lien de proximité entre l'auteure et son sujet.

Ce lien fictif laisse le lecteur en dehors de l'histoire. Malgré tous les efforts de l'écrivaine et la forte envie du lecteur, on peine à ressentir de l'empathie pour Marina Tsvétaïéva. On s'en voudrait presque tant la vie contée est terrible : une vie de misère, sa fille cadette, morte de faim dans un orphelinat... Sa poésie a été rejetée de tous, aussi bien par le régime soviétique que par les russes blancs exilés.

Bien sûr, on regrettera que sa poésie n'ait pas été reconnue à sa juste valeur mais sa personnalité laisse perplexe.

Ses amours multiples ne lui font pas toujours prendre la mesure des priorités.

En plein cœur de la misère, sa fille aînée jouera le rôle de bonne à tout faire pour laisser à sa mère le temps d'être une amoureuse de l'amour !

 

Le livre est axé sur les années d'errance de la poétesse. Son mari se bat du côté de l'armée blanche, prélude inévitable d'un exil qui durera dix-sept ans.

J'ai regretté que le livre ne retrace pas plus sa jeunesse, son éducation... tous les éléments qui permettraient une meilleure compréhension de sa personnalité et nous “attacheraient” plus à elle.

Marina Tsvétaïéva, "martyre de l'époque stalinienne”, c'est vrai mais l'ouvrage aurait pu être plus convaincant.

IMG_2842.JPG

Le chapiteau vert de Ludmila Oulitskaïa

Folio, 2014

 

“Ilya, Sania et Micha font connaissance à l'école où ils sont les souffre-douleurs d'autres camarades plus grands ou plus forts.

Ilya est laid et pauvre, Sania un musicien fragile, quant à Micha, il est juif...

Les trois amis deviennent dissidents par amour pour la littérature. Le soutien de leur professeur de lettres est essentiel en cette Union soviétique qui vient de vivre la mort de Staline.

 

Le début m'a plutôt moyennement plu. J'étais un peu perdue dans la multitude des personnages que j'avais peine à identifier entre l'utilisation aléatoire de leur prénom, de leur diminutif, de leur surnom....

Je trouvais également que le roman était trop souvent délayé avec de longs paragraphes sur divers sujets, au demeurant annexes (les théories pédagogiques avec le professeur de lettres, musicales avec Sania...)

Puis finalement, je me suis laissée emporter par ce récit qui par l'intermédiaire de son peuple, nous conte l'histoire de l'URSS de la mort de Staline jusqu'à sa chute.

 

Les trois amis sont le fil conducteur mais tous les personnages qui gravitent autour d'eux donnent l'occasion d'explorer tous les pans de la société : le corps professoral, les militaires, les écrivains, les candidats à l'exil...

Le foisonnement des personnages, grâce à l'écriture habile de Ludmila Oulitskaïa, devient au final un bel attrait de ce récit.

 

L'auteure rend très bien la difficulté de vivre dans un monde cadenassé.

Quand l'idéologie pèse sur l'ensemble de la société, la dissidence se joue à peu de chose : une lecture, une simple parole... tout au long du récit, le KGB n'est jamais très loin !

La construction du roman est particulière, on peut la trouver dérangeante ou originale. Si je me place dans la deuxième catégorie, j'avoue qu'au départ, j'étais quelques peu décontenancée.

La narration repart sans cesse en arrière mais en mettant la lumière sur un protagoniste différent. On avance donc à petit pas comprenant actes et décisions de chacun, toujours de façon rétrospective.

 

Malgré la difficulté de vivre des trois héros, le roman n'est pas dénué d'humour. Un imprimeur d'ouvrages interdits sera sauvé par des bottes acquises au Goum.

Un débat nous entraîne dans des considérations très drôles : un chien de dissident peut-il être gardé, même quelques jours chez un Kagébiste ?

 

Le Chapiteau vert est un roman qui finit par embarquer totalement le lecteur au point de lui faire ressentir une légère tristesse lorsqu'il est obligé de le quitter !

IMG_2846.JPG

Qu'est-ce que vous voulez ? de Roman Sentchine, les éditions Noir sur Blanc, 2018

 

“ Moscou, hiver 2011-2012. À la veille des élections présidentielles de mars auxquelles Vladimir Poutine est donné vainqueur d'avance, l'opposition dénonce des votes systématiquement falsifiés.

Les Moscovites descendent dans la rue, formant les plus grandes manifestations d'opposition jamais vues en Russie post-soviétique.

Roman Sentchine décrit l'atmosphère de cette période en donnant la parole à sa fille Dacha âgée de 14 ans."

“Qu'est-ce que vous voulez ?” est la question sous forme de cri que se pose Dacha face à une Russie qu'elle ne comprend pas. Mais c'est également la question qui se pose le lecteur étranger car nous sommes exactement dans la même confusion que cette adolescente.

On comprend bien que tous ces manifestants de l'hiver 2011-2012 sont “contre Poutine” mais leur vision de la Russie est si diverse qu'il n'y a aucune unanimité pour proposer une alternative.

Par ailleurs, le livre est dérangeant. L'auteur met en scène sa propre famille, brouillant ainsi ses propres pensées et celles de l'opinion publique.

Roman Sentchine appartient, au premier abord, à un milieu que nous qualifierions d'”intellos de gauche” : écrivain, poète...

On est alors secoué par la violence d'un discours qu'en France on mettrait dans la case de l'ultra-droite. À tel point que la traductrice s'est sentie obligée de signaler qu'elle n'est pas solidaire des propos tenus sur les travailleurs immigrés venus des anciennes provinces satellites de l'URSS.

Elle va même jusqu'à justifier son choix de traduire malgré tout ce roman qui reste un “témoignage précieux, une tranche de vie moscovite”.

C'est d'ailleurs pour cette même raison qu'on ne ferme pas le livre après les premiers propos empreints d'un racisme franchement primaire.

Outre la politique, on suit cette famille dans sa vie quotidienne : les repas, les déplacements pour l'école, les cours de musique...

Roman Sentchine apporte également quelques pistes d'explication du mal-être russe qui semble être une constante dans l'histoire du pays.

Selon l'auteur, l'absence de but commun, la liberté avec des lois qui ne fonctionnent pas bien, la corruption des dirigeants, créent un peuple qui se languit.

Les Russes, du moins ceux qui sont contre Poutine, selon l'auteur, attendent de leurs dirigeants des défis qui soudent la nation.

Avec “Qu'est-ce que vous voulez” on navigue entre l'intérêt, la perplexité et une forme de dégoût !

IMG_2845.JPG

Devouchki

de victor Ramizov, Belfond, 2019

 

“À Beloretchensk, en plein cœur de la Sibérie, Katia et Nastia, la vingtaine, lasses de voir leur quotidien s'embourber dans la misère, décident de quitter leur province natale pour les lumières de la capitale.

Elles rêvent d'avenir, d'argent, d'amour... Mais c'est le Moscou de l'argent sale, du mensonge et de la violence qui les accueille."

 

Difficile de conseiller ce livre sauf peut-être pour ceux qui, après une longue marche à travers Moscou ont envie de se faire bercer par un mauvais “roman-photo” avant de sombrer dans un sommeil réparateur.

Pourtant le début du roman pouvait laisser présager un peu plus d'intérêt.

Le contraste entre Moscou d'un côté le reste de la Russie de l'autre est très fort.

Aucun des deux mondes n'a une idée très réelle de la vie de l'autre. Certaines provinces russes vivent dans une grande pauvreté, soumises à la rudesse du climat, elles sont minées par le chômage, l'alcool, la drogue. Les Moscovites n'ont l'air d'avoir aucune idée de ce que vivent les habitants de ces lieux, les considérant presque comme des sauvages.

Le décor est bien posé.

Katia et Nastia, deux cousines quittent leur village sinistré pour tenter leur chance à Moscou. Leurs motivations initiales sont différentes, la première veut sauver son “petit papa” qui a besoin d'argent pour une opération de la colonne vertébrale, la seconde veut fuir la crasse et l'alcool de sa mère, rêvant d'argent facile.

On sent alors assez vite vers quel simplisme nous entraîne le roman. D'un côté, la gentille Katia, de l'autre la vulgaire et méchante Nastia.

Au final, l'une comme l'autre finissent par taper sur les nerfs. L'auteur accumule les caricatures mais pire encore, les situations et dialogues dignes des plus mauvais romans à l'eau de rose.

La dernière partie laisse perplexe. Le ton doucereux est toujours présent mais les propos distillés en creux me semblent bien inquiétants. C'est réac au possible, l'image des femmes est terrible, l'avortement totalement exclu, la religion est mise en exergue...

“Devouchki est un très mauvais livre dont le seul petit intérêt est de se dérouler à Moscou.

IMG_2843.JPG

Le fantôme de Staline de Vladimir Fédorovski, Livre de Poche, 2007

 

“Les archives de l'ex URSS étant désormais accessibles, il est maintenant possible de dresser un portrait plus précis de Staline, le tyran rouge.

À la lumière d'une longue enquête, Vladimir Fédorovski apporte également un nouvel éclairage sur la personnalité ambiguë de Vladimir Poutine, l'homme fort de la Russie d'aujourd'hui, plus de 90 ans après la Révolution.”

 

Une enquête facile à lire et plutôt intéressant. L'auteur, sous le prisme de la personnalité de Staline, retrace les grands événements de la fondation  de l'URSS jusqu'à sa chute.

 

L'ouvrage de Fédorovski ne se veut pas qu'un témoignage du passé. Il entend analyser en partie la personnalité et les ambitions de Vladimir Poutine.

Au final, malgré la révolution, malgré les orientations économiques et politiques du communisme au libéralisme sauvage, le modèle des dirigeants n'a pas cessé d'être le tzarisme.

L'auteur démontre, plutôt bien, comment la police de Staline n'est que le prolongement de la police du tsar. De même que la Russie n'a jamais pu vraiment se départir d'une forte ambition impériale.

De Ivan le Terrible (au 16e siècle) à Poutine, la constante reste de dominer un empire.

L'idée d'une Grande Russie éternelle ne s'est jamais éteinte.

 

Vladimir Fédorovski retrace les grandes lignes du régime de Staline et les faits les plus marquants de sa dictature. Il a le bon sens de rappeler qu'il n'était pas seul. Son entourage est passé au crible et les luttes de pouvoir qui ont développé un certain art de l'empoisonnement sont racontées avec une grande clarté.

 

En parallèle, on suit également histoire de Boris Pasternak, poète et romancier, auteur du célèbre “Docteur Jivago”.

Ce livre est certainement bien trop court pour être exhaustif sur l'histoire à la fois passionnante et terrible de la Russie.

Néanmoins, il a la qualité de nous apprendre ou remettre en mémoire, l'essentiel.

IMG_2847.JPG

Place Rouge de Dominique Fernandez, Grasset, 2008

“Deux français, le peintre Raoul et sa soeur, deux russes, la galériste Irina et son jeune frère Iermolaï.

Les hommes et les femmes. Les hommes entre eux et les femmes entre elles. Le cynisme consumériste de l'Occident et le rêve idéaliste de la Russie éternelle”

 

Dès les premières pages ”Pourvu Qu'on Ait Livre's” aurait tant aimé mettre trois flacons à ce livre truffé d'anecdotes vécues par tout visiteur de Moscou. Malheureusement, ce roman est beaucoup trop inégal pour faire le plein de nos flacons !

Les membres de ce site on fait deux séjours à Moscou, le premier en 2012, le second en 2019. Le roman se déroule en 2005.

En 14 ans, les choses ont beaucoup changé mais à travers ces pages, on revit parfois ce qu'on a vu ou tout du moins perçu en traversant la ville.

Tous les passages de la description de musées, des rues, transports sont très bien écrites à la fois fines et teintées d'humour.

Avec Dominique Fernandez, on se revoit enfiler les éternelles patins en plastique tendus par une gardienne de musée revêche.

On se revoit rechercher désespérément un passage piéton pour éviter les souterrains un peu glauques qui nous font franchir les huit voies infernales qui forment des cercles dans la ville.

L'auteur ne se contente pas de décrire la ville. Les diverses rencontres de ses personnages et leur présence même à Moscou donnent lieu à une analyse des rapports humains, souvent rudes dans la Russie d'aujourd'hui.

Raoul est peintre, parisien, homosexuel et multiplie les aventures. Il vient exposer à Moscou accompagné de sa sœur et du narrateur, ami proche qui parle russe et qui mène des recherches sur Gorki.

Les considérations sur l'art, la liberté de créer, difficilement compatible avec l'aspect marchand sont très intéressantes.

Malheureusement la partie romanesque n'est pas du tout convaincante.

L'auteur a choisi deux personnages beaucoup trop caricaturaux pour obtenir de la part du lecteur une totale adhésion.

Raoul est la caricature de l'homo parisien qui saute sur tout ce qui bouge. Iermolaï est la caricature du romantisme exacerbé de la littérature du 19e siècle. Quand deux telles figures se rencontrent, on frise le ridicule.

Un cinéma...

IMG_1729.JPG

Le cinéma du Goum

 

Le cinéma conserve l'architecture historique du Goum. Des moulures dans le style du début du XXe siècle au plafond et des lustres en cristal donnent un charme désuet au lieu dont l'entrée donne plus l'air d'un théâtre que d'un cinéma.

Le cinéma organise des avant-premières, des projections de films classiques soviétiques et étrangers, des rétrospectives de réalisateurs connus et des superproductions de ces dernières années.

Si le lieu a l'air sympathique, ce sont les interdictions qui laissent perplexe. La sévérité est de rigueur, on y joue les mêmes films qu'en France ou aux Etats-Unis mais on se demande ce que peuvent bien aller voir les russes de moins de 18 ans mis à part Le Roi lion !!!! Certes j'exagère un peu mais vraiment juste un peu.....même la plus banale comédie peut-être interdite au moins de 14 ans. La jeunesse russe est bien protégée ou bien encadrée c'est au choix !

Deux films...

Une femme douce

avec Vasilina Makovtseva, 2 h 23, drame, France

 

Une femme reçoit le colis qu'elle a envoyé quelques temps plus tôt à son mari incarcéré pour un crime, qu'il n'aurait pas commis.

Inquiète et désemparée, elle décide de lui rendre visite. Ainsi commence l'histoire d'un voyage, l'histoire d'une bataille absurde contre une forteresse imprenable.

 

Quelle horreur ! Voilà ce que j'aurais aimé dire en sortant, pour évoquer le propos du film. Malheureusement, c'est surtout la forme qui est insoutenable !

Voilà un film qui se veut politique et qui, à mon goût, est totalement raté. L'usage excessif des plans fixes dépasse le supportable.

Certes, ils nous montrent bien la misère humaine, la violence d'une société en perdition et le désarroi de cette femme, face à l'absurdité d'un système qui n'a plus rien d'humain. Mais une fois enlevés les plans statiques sur le visage de notre femme douce quasi mutique, les paysages d'une tristesse infinie, la porte de la prison, les passagers du car, Il doit rester en tout et pour tout 20 minutes de film sur les 2h23 !

La dernière partie est encore pire : une envolée onirique dont on ne cherche même plus l'intérêt tant on s'ennuie !

Bref, 2h23 à gigoter sur son siège, à chercher la télécommande pour faire “avance rapide” Pour une fois, on aurait préféré être à la maison plutôt que dans une salle obscure ! c'est un comble ! On ne reste que dans le vain espoir d'avoir la réponse à une seule question, que bien sûr on n'aura pas.

 

Tant pis, on ne demande pas son reste, on sort de là totalement assommé !

Faute d'amour

avec Alexey Rozin, Maryana Spivak, Matvey Novikov,

2h08 drame Russie

 

Boris et Genia sont en train de divorcer. Ils se disputent sans cesse et enchaîne les visites de leur appartement en vue de le vendre. Ils préparent déjà leur avenir respectif. Boris est en couple et va avoir un enfant alors que Genia fréquente un homme aisé qui semble prêt à l'épouser. Aucun des deux ne semble avoir d'intérêt pour Aliocha, leur fils de 12 ans jusqu'à ce qu'il disparaisse...

Pour apprécier ce film il faut quelques conditions préalables. Tout d'abord il faut aimer les films russes avec leur lenteur et parfois leur noirceur, ensuite il faut avoir envie de s'interroger sur la société russe qui le plus souvent nous déroute.

Si tel n'est pas le cas surtout faites un autre choix !

Pour les autres, c'est un film à ne pas manquer. Après “Elena” en 2011 et “Léviatha”n en 2014, Andrey Zvyagintsev enfonce le clou avec “Faute d'amour”, et nous donne matière à réfléchir. Chaque scène traduit la dureté des rapports sociaux et individuels. C'est terriblement sombre et bouleversant à la fois.

La disparition d'Aliocha me semble être un symbole : on perd l'essentiel lorsqu'on construit une société de plus en plus individualiste et on se ferme les perspectives du bonheur fantasmé. Certains critiques voient dans “Faute d'amour” un film trop clinique et cynique. Ce n'est pas faux mais cela montre le regard que Andrey Zvyagintsev porte sur son peuple. Il ne fait pas d'analyse sociologique ou psychologique des personnages, il constate et nous laisse maître de nos jugements. Le message est universel, à l'échelle individuelle ou collective : on ne peut pas vivre sans amour, le tout n'étant pas seulement de recevoir mais aussi d'en donner.

... pourquoi pas ?

... vraiment pas mal

... à ne pas manquer

... à fuir !

cc9.gif
Spécial camping-car
bottom of page