Grasset, 2021

« La carte postale est arrivée dans notre boîte aux lettres au milieu des traditionnelles cartes de vœux. Elle n'était pas signée, l'auteur avait voulu rester anonyme. Il y avait l'Opéra Garnier d'un côté, et de l'autre, les prénoms des grands-parents de ma mère, de sa tante et son oncle, morts à Auschwitz en 1942.

Vingt ans plus tard, j'ai décidé de savoir qui nous avait envoyé cette carte postale, en explorant toutes les hypothèses qui s'ouvraient à moi. Ce livre m'a menée cent ans en arrière. »

La carte postale est un très bon livre qui, à travers une quête intime, retrace les moments les plus terribles de l'Histoire. Seule Myriam, la grand-mère de l'auteure a échappé à la déportation.

Pour comprendre ce qui s'est passé, Anne Berest va remonter le cours du temps sur cent ans et dérouler l'histoire de la famille Rabinovitch depuis la Russie, point de départ de l'exil,  jusqu'à nos jours. 

Dans les années 1920, Nachman, le patriarche choisit de partir vers la Palestine, se désolant que ses enfants ne comprennent pas que l'Europe ne veut plus des Juifs. Un de ses fils, Ephraïm, finira après un long chemin, par s'établir à Paris.

Non pratiquant, laïc, socialiste dans l'âme, il rêve d'une assimilation totale pour ses enfants.

La famille Rabinovitch sera rattrapée par la barbarie de son époque.

La construction narrative happe totalement le lecteur. Anne Berest nous entraîne habilement dans ses recherches. Avec elle, nous avons envie de presser Leila, sa mère, de questions sur le passé de cette famille.

Comme elle,  nous analysons toutes les pistes qui pourraient nous permettre de suivre la trace de chacun.

Certains passages sont bouleversants car ils nous font vivre au plus près les pages les plus sombres de l'histoire de France ;  la rafle du Vél' d'Hiv',  le retour des déportés au Lutetia,  l'appropriation des biens des familles juives par leurs voisins…

Si le destin de la famille Rabinovitch est romanesque, la recherche de l'auteur s'apparente à une enquête palpitante qui l'entraîne chez un détective, un graphologue ou encore dans le village où ses arrières grands-parents possédaient une maison.

On est donc à la fois dans dans un récit de vie, un précis d'histoire et quasi un roman policier.

Parallèlement, l'auteure s'interroge sur la notion de judaïté. Q'est-ce être juif quand soit même on le découvre parce que les autres nous désignent comme tel ?

Vaste et intéressante question à laquelle l'auteure a été confrontée à différents moments de sa vie.

Dans ces pages,  au fil de ses découvertes et de ses réflexions, elle trouvera une réponse, tout du moins « sa » réponse.

La carte postale mêle harmonieusement passé et présent. À chaque chapitre, il est bien difficile de ne pas poursuivre la lecture tant on veut découvrir la destinée de chacun des protagonistes mais aussi l'identité de la personne qui a envoyé cette carte postale.