Folio biographie, Gallimard, 2012

« Pour beaucoup, Charles Spencer Chaplin (1889- 1977) se confond avec le personnage de Charlot, surnommé aux États-Unis « the Tramp », le vagabond du Kid ou des lumières de la ville. 

Pourtant le petit homme à la canne et au chapeau melon est loin d'occuper toute la filmographie de Chaplin qui est aussi un grand réalisateur…»

Ce livre n'est pas fait pour faire connaissance avec Charlie Chaplin mais pour approfondir et analyser la relation entre les personnages de Charlot et son créateur.

Pour trouver un intérêt à ce livre, il nous semble qu'il faille connaître au préalable la filmographie de Chaplin. Chaque film est remis dans son contexte, aussi bien historique que personnel. Ce qui nous fait appréhender la vision du cinéaste sur le monde qui l'entoure mais également son génie.

La jeunesse de Charlie Chaplin en Angleterre sera marquée par une grande misère qu'il n'oubliera jamais. Ce vécu est totalement intégré à son personnage de Charlot. Lorsqu'il crée le vagabond, Chaplin sait de quoi il parle : la faim, l’isolement, la débrouille. 

Dès le début, son personnage rencontre son public.  Des gens de peu qui ont besoin qu'on parle d’eux et qui aiment voir ce drôle de petit bonhomme défier les plus riches, l'autorité…

À travers cette vie assez hors du commun, c'est aussi l'histoire du cinéma qui se déroule sous nos yeux.

On assiste au développement des studios de cinéma, à l'essor de Hollywood, qui petit à petit, transforme un art en industrie. Les passages sur l'arrivée du cinéma parlant sont très intéressants. Pour Chaplin, le muet est une pantomine, un art à part entière. Si on ajoute des mots sonorisés, alors le jeu est réduit et le film perd en émotion. Dans ce tournant de la production cinématographique, il est aussi confronté à un autre problème : Charlot ne peut pas parler. Inventé muet, il est inconcevable de lui donner une voix.

Dans ce domaine, le livre est très psychologisant. Faisant des liens entre la création du personnage par Chaplin et les rapports de ce dernier avec sa mère, chanteuse de cabaret qui a perdu sa voix.

De même que le rapport très compliqué de Charlie Chaplin avec les femmes, est analysé sous l'angle très  psychanalytique du lien à la mère.

Plusieurs scandales sont évoqués mais avec une espèce de pudeur de l'auteur qui semble avoir du mal à écorner le mythe Chaplin.

Le cinéaste trouvera la paix sentimentale auprès de Oona. 

On suit également avec intérêt les péripéties malheureuses qui ont conduit Chaplin à passer les dernières années de sa vie en Suisse. Les autorités américaines, complètement obnubilées par leur lutte contre le communisme, plongées dans le Maccarthysme, refusent le visa de retour au cinéaste en déplacement en Europe.

Charlot défi l'ordre établi, Chaplin soutien l'URSS pendant la deuxième guerre mondiale au nom de la lutte contre le nazisme. Il ne dit pas plus mais ne veut pas non plus se dédire.

Cette biographie, même si parfois trop intellectualisante, est très intéressante. Elle donne une large vision d'un personnage clé dans l'histoire du cinéma : Chaplin tout autant que Charlot.