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Le dernier enfant

Besson Philippe

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Julliard, 2021.


« Elle le détaille tandis qu'il va prendre sa place : les cheveux en broussaille, le visage encore ensommeillé, il porte juste un caleçon et un tee-shirt informe, marche pieds nus sur le carrelage. Pas à son avantage et pourtant d'une beauté qui continue de l'époustoufler, de la gonfler d'orgueil. Et aussitôt, elle songe alors qu'elle s'était juré de se l'interdire, qu'elle s'était répété non il ne faut pas y songer, surtout pas, oui voici qu'elle songe, au risque de la souffrance, au risque de ne pas pouvoir réprimer un sanglot : c'est la dernière fois que mon fils apparaît ainsi, c'est le dernier matin .”


Les amateurs d'actions, les accros des situations haletantes, les fanatiques du suspense passeront leur chemin. Ils passeront même très au large de ce livre qui ne raconte que des petites choses du quotidien.


Après avoir lu tous les livres de Philippe Besson, je l'avais sérieusement boudé lors de la parution en 2017 de Un personnage de roman. Je n'ai d'ailleurs toujours pas compris pourquoi un romancier, si plein de sensibilité s'était fourvoyé dans le récit d'une course à la présidentielle.


C'est avec plaisir que j'ai retrouvé l'écrivain avec Le dernier enfant.

De sa vingtaine de livres, ce ne sera pas mon préféré mais l'écriture si personnelle et particulière de Philippe Besson m'a une fois de plus enchantée.


Le roman se déroule sur une journée, celle du déménagement du dernier enfant de la famille qui va poursuivre ses études dans une ville voisine. Cet « enfant » ne va pas disparaître, il ne va même pas si loin que ça, mais il n'empêche qu'en ce jour, chaque geste de la vie quotidienne de la famille réunie est le dernier.


Anne-Marie, la mère de famille, semble être la seule pleinement consciente de la page qui se tourne. Le lecteur a l'impression d'assister à une petite mort.

C'est le début d'un deuil. Anne-Marie retrace au fil des pages le déroulement de sa vie. Une vie toute simple, la vie de milliers de gens, qui tourne autour d'un mari attentif mais taciturne, de trois enfants et d'un emploi sans grand intérêt.

La routine est parfaitement décrite par le romancier.

Il n'y a pas de révolte chez son héroïne, juste une immense tristesse de la perte des habitudes dans lesquelles elle se sentait utile. Il y a un contraste assez fort entre ce que ressent le lecteur à l'évocation d'une vie si banale et ce que ressent celle qui la vit.

Comme sa voisine, on est tenté de dire à Anne-Marie qu'elle va maintenant avoir du temps pour elle. Argument auquel elle reste totalement hermétique, qu'elle ne peut pas comprendre tant il est éloigné de son schéma du bien-être.


Philippe Besson a, comme souvent, l'art de mettre les mots justes sur des sentiments tout simples. Loin des effusions et de la grandiloquence, il décrit sobrement la perte et la peur de son héroïne d'affronter un avenir inconnu qu'elle n'avait même pas envisagé.

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