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Enfant de salaud

Chalandon Sorj

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Grasset, 2021


« Un jour, grand-père m'a dit que j'étais un enfant de salaud.

Oui, je suis un enfant de salaud. Mais pas à cause de tes guerres en désordre papa, de tes bottes allemandes, de ton orgueil, de cette folie qui t'a accompagné partout. Ce n'est pas ça, un salaud. Ni à cause des rôles que tu as endossés :  SS de pacotille, patriote d'occasion, résistant de composition, qui a sauvé des Français pour recueillir leurs applaudissements. La saloperie n'a aucun rapport avec la lâcheté ou la bravoure.

Non. le salaud, c'est l'homme qui a jeté son fils dans la vie comme dans la boue…»


Sorj Chalandon aura mis dix romans pour livrer à ses lecteurs la réalité de son père.

À chaque page, on sent le cheminement intime de l'auteur pour qui la compréhension et la recherche de la vérité sont les seules clés de la délivrance d'une figure paternelle nocive.

On suit en parallèle le procès de Klaus Barbie et les découvertes de l'auteur sur les agissements de son père durant la Seconde Guerre mondiale. 


Sorj Chalandon a distordu la réalité de la chronologie pour construire un roman puissant dont on ne ressort pas indemne. L'auteur a assisté au procès de Barbie en qualité de journaliste. Par contre, il n'a accédé au dossier judiciaire de son père que plusieurs années après la mort de ce dernier. La confrontation entre le père et le fils est donc fantasmée mais tout le reste est vrai.


Dans ce roman, on assiste à un procès dans un procès.

Klaus Barbie doit répondre, devant la justice, de ses actes monstrueux et de ses mensonges.

Le père doit répondre, à son fils, de ses trahisons et de ses affabulations.

Le dossier judiciaire de ce père est accablant :  quatre fois déserteur de quatre armées différentes, tour à tour collabo et résistant, c'est un manipulateur hors pair. Cette personnalité toxique est insaisissable et, plus que ses actes, ce sont ses mensonges si savamment construits qui rongent l'auteur.

Sorj Chalandon retrace les sept semaines du procès de Barbie. Les témoignages de la raffle des quarante-quatre enfants d'Izieu ou encore de la rue Sainte-Catherine sont bouleversants.

Mais on tremble aussi avec l'auteur, lorsqu'il observe son père à la dérobée, présent dans la salle, qui baîlle, soupire, et même semble ricaner. Son père n'aime pas les victimes, ne supporte pas ce qu'il apparente à une forme de plainte geignarde. Cet homme qui n'a ni convictions, ni sensibilité, n'admire que ce qui ressemble à la force. Au fond, seul le pouvoir compte :  celui de se sortir de toutes les situations par la puissance des mots, celle de manipuler aussi bien les juges que son propre fils.

Et c'est là que le bât blesse car, si il est bien difficile d'assumer la collaboration de son père, se surajoute à ce fardeau, la prise de conscience que celui-ci ne livrera jamais la vérité sur quoi que ce soit.

« Le salaud c'est le père qui m'a trahi. »


Ce roman est une plongée dans les pages sombres de notre Histoire mais également une immersion dans l'intimité d'un homme qui a toujours dû se construire et avancer malgré le poids d'une figure paternelle nuisible.

Les lecteurs  de Sorj Chalandon trouveront avec Enfant de salaud un aboutissement de sa quête :  son père/son traitre qui ne sont qu'un.

Ceux qui le liront pour la première fois, avec cet ouvrage découvriront un excellent romancier qui mêle habilement narration du passé et du présent, mises en abyme, événements historiques et sentiments personnels.

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