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Moi, Tina Modotti, heureuse parce que libre

De Cortanze Gérard

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Albin Michel, 2020


« Émigrée à San Francisco à l'âge de 17 ans, Tina Modotti y devient très vite une actrice de théâtre, une vedette du cinéma muet. Éprise d'Edward Weston, le célèbre photographe américain, elle part vivre à Mexico où elle fréquente les milieux intellectuels d'avant-garde.

Devenue à son tour photographe, elle voit son nouvel amant, le révolutionnaire cubain Julio Antonio Mella assassiné sous ses yeux, ce qui décide de son engagement dans la lutte politique.

Commence alors pour elle une vie d'errance Berlin, Moscou, Paris, l'Espagne en guerre... »


Un livre passionnant, très bien écrit et nous racontant une vie hors du commun. Seul le titre me fait l'effet de ne pas avoir été très bien choisi. Certes, il est incontestable que Tina Modotti a été « libre » mais « heureuse », cela semble beaucoup moins évident.

Si les moments de bonheur ont existé, le bilan de sa vie montre une large place aux peines et aux désillusions.

La vie de Tina commence en Italie, en 1896. Dès ses débuts, son histoire nous donne l'occasion de traverser celle du monde. Issue d'une famille pauvre, on suit avec celle-ci l'histoire de l'immigration vers le Nouveau Monde : la longue et pénible traversée par bateau, Ellis Island, les terribles conditions des travailleurs pauvres, fraîchement arrivés... Comme souvent dans les destins de femmes libres et/ou artistes, le rôle du père n'est pas anodin. Justement en ne jouant pas le rôle de « gardien » de la vie de leur fille, que la société leur a attribué, certains hommes ont ouvert la voie à des carrières artistiques et un élan féministe.


On assiste à la naissance de la « grosse machine hollywoodienne » qui s'attachera à la grande beauté de Tina mais passera complètement à côté de son talent.

Tant mieux, peut-être, car sa vie aurait été tout autre et certainement très superficielle. C'est la photographie qui va révéler son génie.


Parallèlement à l'art, le lecteur est plongé dans le bouillonnement des idées politiques. Modotti qui vit au Mexique ne peut qu'être sensible à la condition ouvrière et révoltée face aux régimes dictatoriaux, nombreux en Amérique du Sud à son époque.

À ses prises de positions s'ajoute la mort de celui qu'elle aime, le révolutionnaire cubain Julio Antonio Mella. Tina s'engage alors corps et âme dans la lutte politique au côté du parti communiste. Engagement qui lui fait abandonner l'art, domaine qui lui semble incompatible avec la nouvelle direction de sa vie. Son quotidien devient une errance permanente. Changeant régulièrement d'identité, elle parcourt le monde en oeuvrant pour le parti, partout où Moscou l'envoie.

Comme beaucoup de « camarades » de cette époque, elle suit son idéal sans (vouloir ?) voir la machine dictatoriale qui se met en place. Au point de couper de forts liens d'amitié avec ceux qui sont régulièrement exclus du parti comme Frida Kahlo et Diego Rivera.

La terrible guerre d'Espagne laissera Tina marquée à jamais. Les luttes intestines au sein du parti, le pacte germano-soviétique sont le point de départ de désillusions cruelles pour celle qui fut surnommée la « Mata Hari du Komintern ».

« Moi Tina Modotti, heureuse parce que libre » ravira tous ceux qui aiment qu'on fasse enfin sortir les femmes de l'ombre.

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