Rue de la Justice
Sallenave Danièle
_heic.jpg)
2

Folio, 2022
« Rue de la Justice, telle fut la dernière adresse d'une de mes arrière-grands-mères, dans une petite ville des bords de Loire où elle travaillait sur un bateau lavoir.
Toute sa vie, elle conservera sur sa cheminée une gravure des obsèques nationales de Victor Hugo. Symbole de la confiance en la toute jeune république « des gens d'en bas », de la soif de progrès, d'instruction et de justice.
Tout le monde aujourd'hui se dit républicain mais la république a cessé d'être une promesse. Cette confiance peut-elle renaître ? »
Cet excellent ouvrage retrace l'histoire de la naissance de la république et les aspirations qu'elle a fait naître chez les plus humbles. C'est de cette catégorie que fait partie son arrière-grand-mère, celle des « imropriétaires ». Celle qui s'est usée les mains dans l'eau glacée à laver le linge des autres sur un bateau lavoir, verra se réaliser une des promesses de la république : l'instruction comme ascenseur social avec sa fille et son petit-fils devenu instituteur. En essayant de retracer la vie de son aïeule, c'est tout un pan de notre histoire que Daniel Sallenave nous livre.
À travers les recherches de l'autrice, on redécouvre à quel point la république a peiné à s'installer tant le poids de l'église et des châteaux a pesé sur les masses. La « Vendée angevine », avec ses forces conservatrices de la contre-révolution, n’a cédé définitivement devant la République qu’en 1832.
Malgré l'ambiance restée quelque peu hostile aux idées du nouveau régime, malgré l'illettrisme et le dur labeur peu propice au questionnement intellectuel, la voix de Victor Hugo a porté jusqu'à Laurence Frémondière née Corneau.
Une fois racontée la naissance de la République, Daniel Sallenave va longuement s'attarder sur la IIIe.
Ce qu'elle retrace est passionnant. On retrouve toutes les étapes de la création de l'école publique puis laïque. Les débats de l'époque souvent houleux, nous font mesurer l'importance de protéger aujourd'hui notre institution scolaire.
Le pacte de départ, de nos jours fragilisé, ne doit pas être rompu : une instruction pour tous avec une égalité de traitement pour une égalité des chances. L’autrice convoque toutes les grandes figures de l'époque, Victor Hugo, Louise Michel, Jules Ferry, Ferdinand Buisson, Clemenceau et bien d'autres…
Il n'est pas question d'encenser leurs figures. Pour chacun un rappel des zones d'ombre ou de certaines positions peu reluisantes est fait.
On peut ne pas être d'accord avec toutes les analyses de Danièle Sallenave mais rien nous laisse indifférent dans cet ouvrage. C'est à la fois érudit dans les recherches historiques et émouvant dans l'évocation d'une femme « issue des profondeurs du petit peuple ».