Actes Sud, 2022

« Et si je vous en donnais deux ? lui lança-t-il

- deux quoi ? répondit le ministre français, interloqué, incapable de faire le lien entre la conversation diplomatique, somme toute assez classique, qu'il menait à propos de Diên Biên Phu,  et cette question à la tournure tout à fait saugrenue.

-Deux bombes atomiques... précisa le secrétaire d'État américain. »

Éric Vuillard signe, une fois de plus, un excellent livre. Écrit avec une plume incisive, ce récit nous éclaire sur une guerre qui fait souvent bien peu de lignes dans nos manuels scolaires. Au terme de cette lecture, on comprend bien pourquoi !

L'auteur a, comme à son habitude, l'art et la manière de mettre le doigt là où ça fait mal. Il met en lumière les bassesses des uns et des autres. Une sortie honorable ne relate pas l'ensemble de la guerre d'Indochine mais décrit les moments clés de sa pitoyable fin. Entre intérêts économiques et manque de courage politique, le lecteur découvre les coulisses de cette sale guerre inutile.

En France, les députés conscients pourtant de l'échec assuré, ne suivent pas Mendès-France dans son appel à cesser cette guerre.

Assimilant sans honte une éventuelle capitulation en Indochine à celle de Vichy, ils ferment définitivement la porte à une éventuelle sortie honorable.

Avec un humour féroce et pince-sans-rire, l'auteur nous entraîne dans des digressions qui permettent de mieux cerner le caractère des différents protagonistes.

On découvre les travers des différents gradés qui vont se succéder au commandement de cette guerre qui s'enlise irrémédiablement.

John Foster Dulles, secrétaire d'État américain, propose nonchalamment la bombe atomique pour régler le problème.

Éric Vuillard nous rappelle judicieusement les « états de service » de la famille Dulles, toujours présente dans les coups d'État au quatre coins du monde pour préserver ses intérêts.

Ce récit est très instructif et force à regarder le passé sans complaisance.

C'est également un très bel hommage rendu au peuple vietnamien. La guerre d'Indochine achevée, l'histoire s'arrête là pour la France… .

La guerre du Vietnam prend un bien lugubre relais et ce jusqu'en 1975.

Comme le rappelle l'auteur :  « En 1945, Hô-Chi-Minh avait seulement proclamé son indépendance, s'appuyant même sur notre déclaration des droits de l'homme et après tout il n'avait déclaré la guerre à personne. »

Un livre à lire absolument pour saluer le courage d'un peuple qui a fait face et défait deux puissantes armées  !