Actes Sud, 2021

« Sur des terres catalanes qui portent encore les stigmates de la bataille de l'Èbre, Terra Alta est secouée par un affreux fait divers : on a retrouvé, sans vie et déchiquetés, les corps des époux Adell, riches nonagénaires qui emploient la plupart des habitants du coin. La petite commune abrite sans le savoir un policier qui s'est montré héroïque lors des attentats islamistes de Barcelone et Cambrils et c'est lui, Melchor, qui va diriger l'enquête. »

Nous nous attendions à un rapport plus direct avec la guerre d'Espagne et ses conséquences sur le long terme. Celle-ci n'est qu'un prétexte pour situer l'action dans une région à l'ambiance bien particulière. On n'atterrit pas à Terra Alta par hasard, on y est né ou on y revient parce que la famille est implantée depuis plusieurs générations. Tout le monde se connaît et les amitiés sont aussi fortes que les haines sont larvées et tenaces. À l'issue de l'enquête, la conclusion nous laisse à penser que même l'aspect « polar » n 'est aussi qu'un prétexte.

Le sujet est finalement le seul parcours d'un homme dont la conduite serait guidée par les héros du roman de Victor Hugo, Les misérables.

Là où le bât blesse, c'est que le parcours du héros, s'il n'est pas inintéressant, n'est que peu crédible. L'ensemble du roman tourne autour de sa personnalité que le lecteur va découvrir petit à petit, au fil d'une narration construite en flash-backs. On a envie d'en savoir toujours plus, au point d'éclipser notre curiosité quant à l'enquête qui commençait plutôt bien.

Malgré cette envie, nous avons été bien souvent déçus, peinant à accorder ne serait-ce qu'une once de véracité aux péripéties qui jalonnent la vie de ce policier.

Melchor dont la mère était prostituée a vécu son enfance et son adolescence dans les bas-fonds de Barcelone.

Devenu membre d'un cartel mexicain, c'est durant son séjour en prison, après avoir lu Les Misérables, qu'il décide de devenir policier. Non seulement il va étudier brillamment mais aussi bénéficier de l'aide de son avocat, dont on ne connaîtra jamais les raisons profondes de son attachement à Melchor, pour dissimuler son casier judiciaire.

Si Melchor n'a qu'une idée en tête, à savoir retrouver les meurtriers de sa mère, il devient presque par hasard un héros en abattant de manière experte cinq terroristes islamistes !

Cela fait beaucoup pour un seul homme ! Trop selon notre point de vue. La fin est tirée par les cheveux et ne sert qu'à placer Melchor face au dilemme de Javert à qui il s'identifie : « L'amour de la justice absolue peut s'avérer la plus absolue des injustices. »

La tentative, de transposer les héros des Misérables dans notre monde contemporain n'est qu'une construction artificielle  qui atteint rapidement ses limites.