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Vie et mort d'Émile Ajar

Gary Romain

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Gallimard, 1981.


Ce livre, très court, est la révélation par Romain Gary lui-même, de ses intentions quant à la création d'Émile Ajar.


C'est une riche idée que l'écrivain a eu là ! Cet auteur aux mille facettes a fait couler beaucoup d'encre tant le personnage est difficile à saisir. Ce petit livre, qu'on pourrait qualifier de testamentaire, permet de limiter les analyses, parfois vasouillardes, de ceux qui se sont penchés sur le mystère Gary.

J'ai longtemps cru que Romain Gary avait créé Émile Ajar pour tester son talent.

Achète-t-on ses livres parce que ce sont les siens ou parce qu'il écrit vraiment bien ?

C'est beaucoup plus subtil que ça et la création d'Émile Ajar est un véritable camouflet pour les critiques littéraires. Dans ces pages, Romain Gary démontre que les professionnels de la littérature enferment rapidement les auteurs dans des cases. Une fois fait, ils lisent peu sérieusement les ouvrages et les encensent ou les descendent en flammes en fonction de leurs a priori.


En parallèle, l'auteur rend hommage au lecteur lambda qui lui n'a pas été dupe.

« La vie devant soi » (d'Émile Ajar) offre le même ton et quelques mêmes phrases que « la promesse de l'aube » de Romain Gary.

Le python de « Gros-Câlins » (Émile Ajar) est déjà présent dans « Chien blanc » (Romain Gary)

C'est parce qu'il est éreinté par une partie des critiques qui le considèrent comme un écrivain au mieux has-been, au pire conservateur de droite que Romain Gary publie sous le nom d'Émile Ajar.

« Émile Ajar, c'est tellement mieux que Gary, qu'on le croit impossible d'être derrière une telle supercherie. »

Il a dû jubiler de la situation, il le dit lui-même dans une formulation qui a le ton qu'on lui connaît “Je me suis bien amusé. Au revoir et merci”

Au-delà des révélations, on sent tout de même une certaine tristesse et un certain mal-être de l'écrivain. Il parle de lassitude de n'être que soi. Cependant la supercherie est allée très loin.

Émile Ajar n'a pas pu ne rester qu'un nom. Romain Gary a reçu le Prix Goncourt pour ”Les Racines du ciel”. Ce prix ne se reçoit qu'une fois. Lorsque « La vie devant soi » est élu, le problème est de taille.

Romain Gary aurait pu stopper là son dédoublement littéraire mais il préfère pousser l'aventure encore plus loin. C'est Paul Pavlowitch, son petit-cousin qui va endosser le rôle d' Ajar.

Finalement, en personnifiant son pseudo, Romain Gary casse son rêve. Quelqu'un de chair et d'os vit son fantasme ce qui amoindrit son intérêt. De plus les relations avec Paul Pavlowitch n'ont pas toujours, semble-t-il, été de tout repos.


« Vie et mort d'Émile Ajar » est un tout petit livre essentiel pour retrouver une dernière fois l'humour teinté de tristesse d'un auteur qui étonne encore.

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