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Parcours au cœur de Montparnasse

13 novembre 2016

Un cinéma...

Les sept Parnassiens, 98 boulevard du Montparnasse.

 

Cerné par les grands groupes qui ont envahi le quartier, ce cinéma fait aujourd'hui figure d'ovni et j'aime ça. L'entrée au fond d'une galerie, désertée par les commerces, est un peu glauque mais une fois passé la caisse, on entre dans un autre monde : quelques tables et chaises en fer forgé pour savourer un café, quelques tableaux d'expositions et une bibliothèque dont on peut emprunter les ouvrages ou déposer les livres qu'on veut partager !!
 

Un film...

« Moi Daniel Blake » de Ken Loach, 2016, drame, 1h41 avec Daniel Johns, Hayley Squires, Dylan Mc Kierman.

 

Pour la première fois de sa vie, Daniel Blake, un menuisier anglais de 59 ans est contraint de faire appel à l'aide sociale à la suite de problèmes cardiaques. Bien que son médecin lui ait interdit de travailler, il se voit signifier l'obligation d'une recherche d'emploi sous peine de sanctions. Daniel va croiser la route de Katie, mère célibataire de deux enfants qui a été contrainte d'accepter un logement à 450 km de sa ville natale pour quitter le foyer d'accueil dans lequel elle vit depuis deux ans.

C'est vrai, la barque est chargée et les scènes avec les enfants sont un tantinet naïves voire faciles.

C'est vrai ce n'est pas le meilleur film de Ken Loach (pour moi les meilleurs étant : It's a free world, Le vent se lève et Land and Freedom). Mais depuis le temps que je l'attendais et pour une fois qu'on a vraiment un film social, je vais fermer les yeux sur les faiblesses de l'histoire !

Les acteurs sont très bons, le personnage de Daniel est particulièrement attachant, on ne peut pas ne pas être sous le charme. Deux aspects ressortent. Tout d'abord, on est révolté par les aberrations administratives d'un système laissé à des organisations privées où tout n'est que « comptable ». Cinq minutes de retard à un rendez vous, entraînent une annulation dudit rendez-vous, et signifient une sanction financière. 

« Point de salut » hors Internet, même si on n'a pas d'ordinateur. Les dossiers médicaux sont réalisés par des « évaluateurs » dont les compétences médicales ne sont pas avérées, car sûrement inexistantes. De l'autre côté on a ce Daniel Blake qui nous émeut du début à la fin par son humanité et sa simplicité. Il aide les autres sans arrière-pensée, sans attendre de retour. Il s'adresse aux autres sans distinction aucune, jeune, vieux, noir, blanc, de façon naturelle et sincère.

On sort de ce film révolté par notre société déshumanisée et réconforté de voir que malgré tout, il reste des gens profondément humains et solidaires.

 

Pour discuter du film....un resto

Place Edgar Quinet : Lili et Riton, 64 rue du Montparnasse, et le Café de la Place, 23 rue d'Odessa.

 

Les 2 brasseries sont collées l'une à l'autre, elles se valent, les deux servent une cuisine du bistrot tout à fait correcte pour un prix raisonnable et dans une ambiance fort agréable. Généralement mon choix se porte sur celle qui a de la place en terrasse, été comme hiver ! Eh... oui je suis une accro des terrasses, on se demande bien pourquoi !!!

Une librairie....

La librairie "L’œil écoute", 77 boulevard du Montparnasse 

 

Une bonne librairie, en plein cœur de Montparnasse... proche... très proche d'une grande enseigne (!) mais qui semble résister. Pourvu que cela dure ! Nouveautés, prix littéraires divers et variés sont bien mis en avant. Seul regret, les poches ne sont pas mis en valeur, relégués au sous-sol où je n'ai jamais envie de descendre... dommage !
 

Pour terminer la soirée...quelques bons livres....

« Après le silence » de Didier Castino, Liana Levi piccolo, 2015.

 

« Quand on parle de moi, il y a toujours l'usine. Pas facile de parler d'autre chose »

Dans un monologue destiné au plus jeune de ses fils, Louis Castella se dévoile.

 

Dire que j'ai failli passer à côté de cet excellent livre !!

Les 40 premières pages ne m'ont pas inspirée au point d'être tentée au renoncement face à ce que j'imaginais être un long monologue d'un ennui terrible. Eh bien je ne regrette vraiment pas d'avoir persisté. Passé le premier chapitre, le monologue se poursuit certes, mais on entre dans une véritable histoire. Une histoire bien ancrée dans la réalité sociale et politique, mais en même temps profondément poétique. Le monde ouvrier des années 1960- 1970 : les difficultés, la dureté du labeur, les combats. Mais c'est aussi une histoire d'amour et de famille. Le narrateur meurt à 42 ans dans un accident à l'usine. C'est lui-même qui nous raconte sa mort et les années qui ont suivi, ainsi l'auteur nous offre ses plus belles pages. C'est aussi une histoire de filiation. Les enfants de Louis Castella vivront la mort du chef de famille aimant, de manière différente du fait de leurs âges respectifs au moment du drame.

Dans la dernière partie du livre, le plus jeune des fils, devenu adulte, fait taire le père. Avec sa parole, nous vivons la fin de la condition ouvrière telle qu'elle était dans les années 1970. L'ambivalence des sentiments entre recherche de ses racines et joie d'en être libéré.

« ...me disant que mourant, il me libérait l'espace encombré du carcan social, étant mort il n'y avait plus d'ouvrier donc plus de fils d'ouvrier et je pouvais ainsi aller au musée. »

 

Voilà un livre qui fonctionne par symboles, qui gagne en intérêt et en émotion au fil des pages.

À ne pas manquer !

Bel-Air de Lionel Salaün, Liana Levi Piccolo, 2013

 

Perchée sur la colline à l'écart du centre-ville, une cité ouvrière et son bistrot : le Bel Air. Au comptoir, le patron s'enflamme contre les Arabes du foyer de travailleurs, et depuis le baby-foot, les jeunes reluquent la serveuse en se prenant pour Marlon Brando. Nous sommes au début de la guerre d'Algérie.

C'est l'histoire d'une vie ratée. Lionel Salaün ne nous raconte pas la vie de l'usine mais la vie de la cité ouvrière avec sa misère sociale, culturelle et ses perspectives jouées d'avance.

Pas d'échappatoire, pas d'espoir de sortir de sa condition, c'est un roman sans concession et très réaliste. Sur cette jeunesse, plane le spectre de la guerre d'Algérie. Franck, le personnage principal, ne veut pas se battre pour que l'Algérie reste française, ni pour que l'Algérie soit indépendante, tout simplement, il ne veut pas mourir dans un désert dont il ne connaît pas le nom.

C'est aussi l'histoire d'une amitié gâchée et d'un amour raté. C'est une époque où les amitiés pouvaient être troublées par les idéologies. La guerre d'Algérie a suscité des sentiments violents loin des combats, jusque dans les bistrots les plus éloignés d'Alger.

C'est aussi une époque où la fille « d'un directeur » du centre-ville ne peut aimer un garçon de la cité (mais est-ce que cela a beaucoup changé ?)

La fin est terrible. Les 2, 3 dernières pages lèvent un suspense qui était posé tout au début du livre (mais, ça je vous le laisse découvrir !)

C'est un roman tout à la fois anéantissant et très émouvant.

Si tout cela fait trop « social », vous pouvez plonger de l'autre côté de la barrière avec « l'insouciance » de Karine Tuil. Cependant je ne suis pas sûre que vous gagnerez au change !

L'insouciance de Karine Tuil, Gallimard, 2016.

De retour d'Afghanistan, le lieutenant Romain Roller est dévasté.

Au cours du séjour de décompression organisé par l'armée, à Chypre, il a une liaison avec la jeune journaliste et écrivain, Marion Decker.

Dès le lendemain, il apprend qu'elle est mariée à François Vely, charismatique entrepreneur franco- américain, fils d'un ancien résistant juif.

C'est un livre de destins croisés. On suit chaque personnage : leur passé, leurs pensées intimes, leur présent, en sachant qu'ils vont se retrouver confrontés les uns aux autres à un moment de leur histoire.

Si ce livre n'est pas totalement inintéressant, il est excessif et finit par être lassant. Trop de thèmes à la mode : le pouvoir de l'argent, le racisme, la crise identitaire et j'en passe... Trop long : les personnages de Karine Tuil vivent une vraie « dégringolade » (on retrouve là ce que Douglas Kennedy aime à infliger à ses héros) mais à force d'être accablés par les coups du sort, on se prend à avoir hâte de leur chute finale !

Trop de répétitions : on a parfois l'impression d'avoir déjà lu certains chapitres, on tourne les pages, se demandant si on s'est pas trompé en positionnant le marque page !

Toutefois, si ce roman ne m'a pas ravi outre mesure, il a des aspects intéressants. Il interpelle et nous pousse à nous interroger sur le déterminisme social ainsi que sur la difficulté à échapper à son passé et au-delà même à celui de sa famille .

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