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Parcours spécial "Confinement dans le déconfinement"

11 mai 2020

Ça y est, 55 jours qu'on l'attendait et il est enfin arrivé !

Ce déconfinement espéré et souvent fantasmé est, souhaitons le, un avant-goût, un premier pas vers une liberté retrouvée.

Il sera déjà bien agréable que chacun puisse aller un peu plus loin que le bout de la rue.

Mais dans ce déconfinement, exception faite des librairies, la culture reste largement confinée alors ” Pourvu Qu'on Ait Livre's » l'est aussi.

Il y a 55 jours, pour soutenir la population, les médias nous parlaient de temps libre pour de nouvelles découvertes... c'était le moment de lire Proust, d'apprendre une nouvelle langue, de devenir un cordon-bleu...

Chez « Pourvu Qu'on Ait Livre's », on pense que ces découvertes ne se sont produites qu'à la marge. Finalement ceux qui dessinaient ont plus dessiné (merci Julie), ceux qui jouaient de la musique, ont repris leur instrument préféré (merci Jean-Marie), ceux qui regardaient des séries ont pu s'éclater sur netflix ou sur Canal (merci Claudette et Ida pour notre nouvelle rubrique).

Ceux qui tentaient d'écrire ont pris leur envol (merci Ida et Jr de m'avoir invitée dans vos cadavres exquis). Enfin ceux qui déjà lisaient beaucoup, ont eu largement le temps de redécouvrir leur bibliothèque ( merci...nous)

Dessiner...

Julie ne se vit pas comme une artiste. Si être une artiste, c'est vivre de son art, alors effectivement, Julie n'est pas une artiste puisque ce n'est pas son métier.

Mais si être une artiste, c'est exprimer des sentiments et émotions à travers un moyen graphique, alors pas de doute, Julie on est bien une !

Les dessins qu'elle a livrés à « Pourvu Qu'on Ait Livre's » témoignent d'une qualité graphique, d'un bel esthétisme et d'une grande sensibilité.

Cliquez sur l'image pour le diaporama

Faire de la musique, chanter...

Le 14 mars 2020, « Pourvu Qu'on Ait Livre's » était dans la salle des Déchargeurs pour assister au concert d'un trio de copains :  « Le Gaëtan L'Ozerain Trio »

 

« Je n'ai pas fini de rêver » ! Quel beau titre qui prend une autre dimension, quand à l'issue de ce concert, le public a appris la fermeture des salles de spectacles, des cafés, des restaurants.

Dernier spectacle avant le confinement, il était normal que ce soit le premier du déconfinement.

Gaëtan l'Ozerain, auteur, compositeur, interprète, accompagné de Alain Trouchaud à la clarinette et Jean-Marie David à la basse, nous propose des chansons pleines de tendresse, de malice mais aussi de gravité.

On sourit beaucoup comme avec « La ficelle est vraiment trop grosse » mais pas que... comme avec « Toute ressemblance ».

Si souvent la mélodie est très entraînante, il ne faut pas oublier de bien écouter les paroles... Gaëtan L'Ozerain a des choses à dire ! 

“ Je n'ai pas fini de rêver” nous a offert 1h10 de poésie musicale avant des jours incertains !

Jeter un œil aussi sur : https://legoutdelamure.net/

Gaëtan L'ozerain 2

Gaëtan L'ozerain 2

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Neuf livres...

Dans notre premier parcours spécial confinement, nous annoncions que nous ne mettions pas les livres lus pendant le confinement. Il faut dire que nous avions une petite idée derrière la tête….

Les membres de « Pourvu Qu'on Ait Livre's » faisaient partie de ceux qui fantasmaient le déconfinement. Nous imaginions partir dans de de longues escapades, faire le plein de cinémas, de théâtres, de musées….

Nous pensions avoir beaucoup moins de temps pour lire ! Prévoyants, nous avons engrangé les fiches que nous écrivons sur nos livres lus.

Finalement, nous vous en livrons une partie aujourd'hui.

Les librairies vont ouvrir mais les conditions sanitaires seront peu propices à la flânerie. Certains aimeront peut-être y aller en sachant quoi chercher ou quoi demander  !

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La folie Fischer de Christian Carisey

Alma éditeur 2020

 

“ Champion du monde d'échecs en 1972 contre Boris Spassky, Bobby Fischer est le premier américain à avoir remis en cause la suprématie des joueurs soviétiques. Pourtant, des années plus tard, le héros national devient un véritable pestiféré au point de se réjouir publiquement des attaques du 11 septembre 2001 contre les tours du World Trade Center.”

 

Excellent livre ! Complètement happée par ce récit, je l'ai dévoré en deux jours.

 

En parcourant la vie de Bobby Fischer, trois thèmes s'entremêlent : le monde des échecs, la guerre froide et la folie d'un homme. La vie de Fischer a quelque chose de romanesque mais c'est le talent de l'auteur qui nous emporte littéralement au fil des pages. Il tisse harmonieusement et habilement les trois aspects de la vie de son héros et rend son récit passionnant.

Le monde des échecs est bien particulier. Il n'est pas rare que les champions soient, certes des surdoués, mais aussi  victimes d'un équilibre psychique précaire.

En nous contant l'histoire de la mère de Bobby Fischer, Christian Carisey nous permet de mieux cerner la personnalité de celui-ci. Il faut dire que la vie de Régina n'est pas banale. Entre les États-Unis, Berlin, Moscou puis Chicago, entre la montée du nazisme et le début de la guerre froide, on trouve là, les racines de la paranoïa dont Bobby Fischer souffrira de plus en plus.

Sans son talent pour les échecs, Fisher n'aurait été qu'un fou. Le lecteur chemine dans le monde de la folie de Bobby qui se pense bombardé d'ondes magnétiques pour l'empêcher de jouer, victime de complots imaginaires du FBI, du KGB, du Mossad...

Au-delà de l'intimité de son personnage, l'auteur nous offre un voyage géographique et historique. On traverse les grands moments de la guerre froide mais également des conflits plus récents comme la guerre de Serbie en 1992.

Avec notre « fou », on traverse les États-Unis, on va à La Havane, en Islande et même jusqu'au Japon.
On a pas le temps de s'ennuyer dans ce récit qui a quelque chose de palpitant et de dramatique. Bobby Fischer héros national a fini proscrit et malade.

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Le service des manuscrits de Antoine Laurain 

Flammarion, 2020

 

“À l'attention du service des manuscrits”. C'est accompagné de cette phrase que des centaines de romans, écrits par des inconnus, circulent chaque jour vers les éditeur. Violaine Lepage, est à 44 ans l'une des plus célèbres éditrices de Paris.

Elle sort à peine du coma, après un accident d'avion, et la publication d'un roman arrivé au service des manuscrits, Les fleurs de sucre, dont l'auteur demeure introuvable, donne un autre tour à son destin”

 

Un livre assez sympathique mais qui malheureusement ne dépasse jamais ce stade.

À la manière de David Foenkinos, avec son « Mystère Henri pick », c'est plutôt avec plaisir qu'on entre dans les coulisses du monde des écrivains et de l'édition.

On suit le destin des manuscrits : par qui sont-ils lus ? Comment certains sortent-ils du « sas » du service des manuscrits pour atterrir sur le bureau de l'éditeur ou de l'éditrice ? Sur quels critères est-on employé comme lecteur dans une maison d'édition ? Toute cette partie de découverte pour le lecteur est vraiment agréable. Le ton est très léger, les personnages peu crédibles mais on passe un bon moment de lecture.

 

Le roman change de genre à mi-chemin. On se dirige vers le polar lorsque l'auteur qui va être publié reste introuvable alors qu'il est en finale du prix Goncourt.

Mais surtout, lorsque des meurtres, similaires à ceux du livre, se produisent dans la réalité.

La curiosité du lecteur est piqué mais cela mais ça ne va pas plus loin. On a très envie de savoir, certes, mais parallèlement, on est un peu agacé de voir la barque tant se charger.

On avait déjà eu affaire à un accident d'avion, on est plongé dans des histoires de viol, abandon, drogue…

L'éditrice Violaine Lepage reste au centre du roman puisque la résolution de l'énigme se trouve dans les secrets de son passé mais l'ensemble est ficelé bien maladroitement. On a souvent l'impression d'être confronté a des incohérences et certains personnages deviennent fantasques plus que de raison.

La fin m'a semblé un peu bâclée.

Après une intrigue très tortueuse, on reste perplexe devant un dénouement assez expéditif et qui du coup n'a comme seul mérite, que d'exister.

Dommage, l'écriture est agréable, le sujet original mais l'ensemble m'a fait l'effet d'être bien trop bancal.

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Le dernier Syrien de Omar Youssef Souleimane

 Flammarion, 2020

 

“En mars 2011, quand Youssef participa à la première manifestation à Damas, il eut l'impression que le cri de liberté poussé contre le régime d'Al-Assad, après 40 ans de silence et de peur, était un miracle plus puissant que celui du Prophète.

Joséphine, jeune alaouite au charme troublant, réunit chez elle un groupe de jeunes gens pour partager leurs espoirs, leurs rêves, leurs visions de l'avenir, à ce moment où tout semble possible.”

 

 

Un roman terrible sur une jeunesse qui rêve de liberté mais à qui on coupe les ailes. Joséphine, Youssef, Mohamad et Khalid aspirent au bonheur, à un monde à la fois libéré de l'oppression de l'État, mais également du poids des traditions. L'amour est au cœur de leurs préoccupations. En ce domaine, l'homosexualité cristallise tristement les tensions au point de réunir les opposants les plus farouches.

Ces jeunes, avides de changement, sont détestés du régime qui les considère comme des rebelles mais ils sont également haïs des islamistes car ils sont laïcs.

On assiste avec émotion, le cœur plein de peine, aux drames que vont vivre ces jeunes gens.

 

Les pages sur les tortures, subies dans une prison d'État, sont terribles. Les peurs, les souffrances physiques et psychologiques sont décrites avec un réalisme qui fait froid dans le dos.

L'auteur fait tout de même "baisser la tension" avec des passages d'une écriture très poétique même si pas moins triste.

La révolte semble irrémédiablement perdue lorsque l'opposition se trouve noyautée par les islamistes. Le seul point commun entre ces derniers et le groupe de jeunes dont il est question ici, est leur opposition au régime d'Al-Assad.

Sur le reste, leurs visions du monde sont diamétralement différentes.

Joséphine n'est pas dupe, elle sait bien que ce n'est pas auprès des barbus qu'elle trouvera la liberté chère à son cœur. S'ils arrivent au pouvoir, une dictature succédera à une autre.

 

Le constat est triste et amer. La fuite semble la seule solution pour garder la vie. Comme le dit un des protagonistes, "il y aura bientôt plus de Syriens à l'extérieur qu'à l'intérieur de la Syrie".

Le dernier syrien, très bien écrit et très bien mené n'est pas réjouissant quant à l'avenir. Sous la poésie de son auteur, se dévoile une dure réalité.

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Le cercle des hommes de Pascal Manoukian

Seuil, 2020

 

« L'Amazonie. Perdue sous la canopée, une tribu d'Indiens, isolés, fragilisés, menacés par les outrages faits à la forêt.

Au-dessus de leur tête, un homme d'affaires seul et pressé, au commande de son avion, survole l'immense cercle formé par la boucle du fleuve délimitant leur territoire.

Une rencontre impossible, entre deux mondes que tout sépare. Et pourtant le destin va l'organiser. »

 

Un conte écologique dans lequel j'ai eu beaucoup de mal à entrer mais que je ne regrette pas d'avoir lu.

Si je n'ai pas apprécié la totalité du roman, le message humaniste de fond m'a semblé important et certains passages sont excellents.

Les passionnés d'ethnologie, eux, seront comblés. On découvre la tribu des Yacou, leur mode de vie, leurs croyances et légendes.

Ce n'est pas inintéressant, leur organisation est basée sur des constatations censées : ils vivent par groupe de huit car ils ont noté qu'au-delà de ce nombre, des rivalités mettaient en péril la survie du groupe, ils se déplacent sans arrêt, ne possédent rien de plus que ce que la nature leur propose, ils ne prélèvent jamais plus que leurs besoins.

Toutes ces considérations m'ont bien intéressée mais je goûte très peu les légendes, les histoires de chamane, les voyages de l'esprit hors du corps... Tout cela m'a profondément ennuyée.

Seul l'humour de l'auteur m'a fait dépasser la lassitude de ces passages et donner envie de continuer, ce qui devient petit à petit un roman d'aventure.

Gabriel est l'antithèse de la tribu dont il va être tour à tour, prisonnier, membre, jusqu'à en épouser la cause.

La rencontre entre les deux mondes est vraiment très drôle. Les Yacou s'interrogent sur le statut de ce corps qu'ils découvrent dans la forêt. Est-ce un animal, est-ce un humain ?

En attendant de prouver son appartenance au cercle des hommes, il sera «la chose ».

Tout au long de ces pages, l'auteur semble démontrer qu'il est plus facile de faire le chemin dans le sens de Gabriel que l'inverse. Les Yacou vivent dans un cercle dont les plus jeunes ignorent la vie qui se trouve au-delà. Mais leur cercle se rétrécit, “ les arbres pleurent” sous les assauts des « boas jaunes ». Sur ces chantiers, les Indiens sont réduits à l'esclavage, à la mendicité et à la prostitution.

“ Le cercle des hommes” est un livre très bien écrit à la fois plaidoyer écolo mais également humaniste et c'est ce deuxième aspect qui m'a le plus touchée.

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Civilization de Laurent Binet

Grasset, 2019

 

Vers l'an 1000 : la fille d'Érick le rouge met cap au sud

1492 : Colomb ne découvre pas l'Amérique.

1531 : les Incas envahissent l'Europe.

 

À quelles conditions ce qui a été aurait-il pu ne pas être?

Il a manqué trois choses aux Indiens pour résister aux conquistadors. Donnez-leur le cheval, le fer, les anticorps, et toute l'histoire du monde est à refaire. « Civilization » est le roman de cette hypothèse.

 

La première qualité que l'on peut reconnaître à ce roman est son originalité. En modifiant ne serait-ce qu'un volet de l'histoire, on transforme l'ensemble. C'est cette nouvelle histoire que l'auteur déroule tout le long des pages.

À partir du moment ou les Incas ont les anticorps, rien ne peut plus se passer comme on nous l'a appris sur les bancs de l'école.

On s'amuse de voir que le Nouveau Monde, c'est l'Europe, que Charles Quint se verra ravir sa place d'empereur par le chef inca Atahualpa et que la religion dominante sera celle du soleil.

L'auteur fait preuve d'érudition car pour travestir l'histoire avec tant de crédibilité, il faut tout de même bien la connaître. C'est parfois ce qui m'a manqué pour goûter, ce qui me semblait être, des subtilités. J'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans cette lecture puis je me suis laissée porter agréablement par le déroulement de la narration. Cette dernière, particulièrement travaillée, participe à l'originalité de l'ensemble : journal de bord (de Christophe Colomb), chroniques, échanges épistolaires…

C'est un bel exercice littéraire plutôt réussi.

 

Les pages qui décrivent les premiers contacts des Incas Conquérants avec les Européens sont savoureuses. Leurs analyses de nos guerres de religion sont perspicaces. Leurs échanges avec les grands noms de l'époque sont subtils.

 

Malheureusement, la fin est décevante. La série de péripéties qui émaillent l'aventure de Cervantes est lassante.

Puisque Laurent Binet à choisi de nous faire le récit de la mondialisation inversé, il aurait pu aller jusqu'au bout, faire un grand bond dans le temps et nous raconter, même en quelques mots, ce qu'il en était de ce nouveau monde aujourd'hui !

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Le pays des autres de Leïla Slimani

Gallimard, 2020

 

“En 1944, Mathilde une jeune alsacienne, s'éprend d'Amine Belhadj, un Marocain combattant dans l'armée française. Après la Libération, le couple s'installe au Maroc à Meknès, ville de garnison et de colons. Tandis que Amine tente de mettre en valeur un domaine constitué de terres rocailleuses et ingrates, Mathilde se sent vite étouffée par le climat rigoriste du Maroc”

 

Un assez bon roman qui offre un large panel des différents points de vue à la veille de l'indépendance d'un ancien protectorat.

Amine Belhadj est marocain, sa participation à la guerre dans l'armée française, son retour au pays marié avec une française, permet de développer tous les antagonismes, culturels, sociaux, politiques…

Ce roman embrasse toute la population. On rencontre des colons riches et arrogants. On croise des Marocains soumis mais aussi de jeunes hommes prêts à prendre les armes pour l'indépendance.

 

On fait connaissance avec de vieilles femmes qui croient au mauvais œil mais également avec des plus jeunes qui voudraient s'émanciper du poids de leur famille si traditionnelle. Au milieu de cette multitude de portraits, on suit la vie bien difficile de Mathilde et Amine.

En revenant sur sa terre natale, Amine a renoué avec une culture machiste qui n'est pas celle de Mathilde.

De plus, leur dur labeur pour cultiver une terre aride n'est pas propice aux sentiments amoureux. « Le pays des autres » c'est avant tout le regard des autres.

Mathilde, l'européenne est traitée, par les ouvriers de la misérable propriété de son mari, avec méfiance. À l'inverse, cette dernière supporte mal le manque d'hygiène ambiant. Mathilde et Amine voudraient rester loin des tensions qui se font jour progressivement. Mais est-ce possible ? Et encore plus lorsqu'on est un couple mixte ?

 

« Le pays des autres » est la première partie d'une grande fresque. Les descriptions des paysages, les conditions de vie et les mentalités sont très bien décrites.

Leïla Slimani ose mêmes décrire des sentiments politiquement incorrects sans pour autant faire forcément de ces personnages, des monstres.

Cependant, Il manque un «petit quelque chose» pour que ce beau roman soit excellent. Cela est bien difficile à définir. Cela me semble tenir aux articulations narratives. Certains événements donnent l'impression de surgir comme des cheveux sur la soupe après de longues descriptions sans lien.

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L'outrage fait à Sarah Ikker de Yasmina khadra

Julliard, 2019

 

 

“Couple comblé, Sarah et Driss Ikker mènent la belle vie à Tanger jusqu'au jour où l'outrage s'invite à leur table. Dès lors, Driss n'a plus qu'une seule obsession : identifier l'intrus qui a profané son bonheur conjugal”

 

Un livre qu'on lit d'une traite, qui mêle habilement une enquête policière à une description de la société marocaine. Jamais déçue par Yasmina Khadra, c'est toujours avec plaisir qu'on retrouve ses livres même si ce qu'il décrit suscite bien souvent des agacements, des dégoûts voire des colères.

Mais voilà, tout l'art de cet auteur est d'embarquer son lecteur au plus proche d'une intrigue, tout en gardant lui même une grande distanciation.

La femme du lieutenant Driss Ikker s'est fait violer sous leur toit. Pour Driss, une seule chose compte dorénavant, trouver le coupable.

Ses recherches tournent à l'obsession, le rendant incapable de renouer une relation apaisée avec sa femme. Il se place dans la position du principal outragé.

Pour le lecteur, cette attitude est révoltante... à moins qu'il n'y ait autre chose ?

Tout le déroulement de l'enquête est l'occasion de décrire les rapports sociaux et humains au sein d'une société qui semble désespérément corrompue.

Deux dominations se dessinent au fil des pages. En premier lieu, celle des hommes sur les femmes, ces dernières étant considérées comme une possession, au même titre qu'une voiture.

Ensuite viennent les rapports sociaux décrits sans aucune complaisance. Il semblerait que les places de pouvoir ne soient pas occupées en fonction des capacités mais soient en lien direct avec l'argent.

À priori tout s'achète : du diplôme de médecin, à la place de commissaire, ainsi que la tranquillité des truands pour mener à bien leurs malversations.

Chaque protagoniste est l'archétype du parvenu qui ne doit sa place qu'à l'argent ou à ses relations. Le sport national semble être d'écraser les autres pour se hisser au sommet et d'exercer diverses pressions pour s'y maintenir.

Peu des personnages de cette histoire suscitent de l'empathie. Mais le suspense est si bien distillé qu'on peine à fermer le livre avant de savoir.

Les révélations sont un coup d'éclat. Il y aura une suite mais heureusement, avec ce premier tome, on ne reste pas sur sa faim.

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Les services compétents de Iegor Gran

POL, 2020

 

“Moscou 1965. Ah ! si on avait mis moins de temps à pister Siniavski ! C'est sûr que sa femme ferait moins l'arrogante. Quand une affaire traîne depuis 1959... On perd en crédibilité. Ainsi pense, en me tenant dans ses bras, le lieutenant du KGB Evgueni Feodorovitch Ivanov, venu faire une perquisition chez ma mère. J'avais 9 mois”.

 

Excellent ! Le sujet est grave mais la façon de le traiter est d'une grande originalité. L'écriture teintée d'un humour (certes souvent grinçant) faitt de ce livre un roman irrésistible.

Le sujet est d'autant plus grave qu'il est tiré de la réalité.

Les services compétents, à savoir, le Comité de Sûreté de l'État ont recherché durant six ans qui se cachait derrière le pseudonyme de Abram Tertz.

Il s'agit du père de l'auteur, de son vrai nom André Siniavski, auteur dissident.

Son premier texte est une critique du réalisme socialiste qu'il compare à une religion monothéiste classique. Il n'en faut pas plus pour que les services compétents soient à ses trousses, non sans avoir suer sang et eau pour comprendre un texte qu'ils ont dû « décortiquer à la machette du dictionnaire ».

 

C'est plein d'humour parce que les services compétents sont d'une bêtise affligeante dans leurs considérations sur l'art, la politique, le monde... mais aussi parce que aussi compétents qu'ils soient, ils ont été mis en échec par un simple écrivain.

Malgré tout, cela reste terrible puisque ils gagnent toujours à la fin !

C'est cette enquête, largement romancée que ce livre nous fait vivre. C'est l'occasion pour l'auteur de nous décrire l'ambiance de l'URSS : les filatures, les indics, les appartements communautaires, les files d'attente devant les magasins, les promotions ou récompenses sous forme d'avantages…

 

Le principal enquêteur est Ivanov et en février 59, cela fait 6 mois qu'il a terminé sa formation à Sup de K école de formation des agents du KGB.

Totalement conditionné, c'est à travers son regard qu'on vit un morceau d'histoire de l'URSS. On croise également des noms connus : Pasternak, dont on ne sait pas trop quoi faire avec son « Docteur Jivago ». Picasso et ses tableaux, si loin du réalisme socialiste dont Ivanoff ne comprend pas qu'il ne soit pas exclu du parti.

On assiste aussi aux cérémonies funéraires de Maurice Thorez, on découvre Gagarine sous un autre jour…

Chaque épisode est dramatique car il s'agit à chaque fois d'une liberté muselée, de vies broyées par un système totalitaire.

Mais voilà, l'auteur à déployé la plume de l'humour et de l'absurde. Alors il n'est pas une page qui ne fasse sourire, on se prend même à rire !

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La panthère des neiges de sylvain Tesson

Gallimard, 2019, prix Renaudot

 

« - Tesson ! je poursuis une bête depuis 6 ans, dit Munier. Elle se cache sur les plateaux du Tibet. J'y retourne cet hiver, je t'emmène.

- Qui est-ce ?

- La panthère des neiges. Une ombre magique !

- Je pensais qu'elle avait disparu, dis-je.

-C'est ce qu'elle fait croire. »

 

 

Il y a 15/20 ans, j'avais beaucoup aimé “On a roulé sur la terre” et “ L'axe du loup” de ce même auteur.

Je ne sais pas si c'est Sylvain Tesson ou moi, mais l'un de nous deux a trop changé pour trouver un réel plaisir avec cette panthère des neiges.

La lecture n'est pas non plus désagréable. C'est bien écrit et les descriptions des plateaux du Tibet sont très belles. Malheureusement, je n'ai pas accroché, j'ai trop eu le sentiment de ne lire qu'une liste des préoccupations écologiques et philosophiques de l'auteur.

Sans y être insensible, j'ai beaucoup de mal à supporter les leçons de ceux qui ont les moyens techniques de prendre le temps d'aller au bout du monde.

Dans mes souvenirs, les ouvrages que j'avais lus de Sylvain Tesson étaient de véritables récits d'aventure, certes tournés vers la nature mais c'était avant tout une rencontre avec l'autre, celui qui vit autrement…

Dans « la panthère des neiges », à part nous répéter qu'il fait moins 30 degrés, l'auteur ne nous emmène pas vraiment dans son voyage.

Ils sont quatre dans ce périple mais à part Munier, grand photographe animalier, on ne fera que peu connaissance avec les deux autres personnes.

Les seuls points qui m'ont un peu intéressée, ce sont les ressemblances et les différences dans les conceptions du voyage de Tesson et Munier. Tous les deux voyageurs et amoureux de la nature, l'un sait rester immobile, observer, écouter, l'autre devra l'apprendre.

C'est très certainement cette immobilité qui favorise la réflexion philosophique ! J'aurais dû m'en douter…

Très dans l'air du temps, voilà un livre que j'ai lu sans total déplaisir mais sans réel plaisir non plus !

Nos textes...

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Une nouvelle rubrique : Nos séries TV...

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... à ne pas manquer

... à fuir !

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