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En traversant les Tuilleries...

19 Septembre 2019

Ce premier parcours parisien de notre quatrième saison aurait pu être entièrement thématique. Autour de Berthe-Morisot il y a de quoi faire. Ici nous ne présentons qu'un livre et une bande dessinée en rapport avec cette artiste, mais il en existe d'autres. De même, un film de Caroline Champetier en 2012 lui a été consacré.

Mais, nous avons choisi ici de laisser la place à l'actualité cinématographique de cette rentrée.

Géographiquement, ce parcours vous fera traverser la Seine et le jardin des Tuilleries. Ce dernier, créé au 16e siècle, à l'emplacement d'anciennes Tuilleries (d'où son nom !) n'est selon l'avis de « Pourvu Qu'on Ait Livre's » pas aussi charmant que le jardin du Luxembourg.

Cependant, il sera l'endroit idéal pour faire une pause entre la visite de l'expo au musée d'Orsay et la librairie qui se trouve rue de Rivoli.

Et si on veut pousser le « vice du thème » à son paroxysme, on peut aussi lire confortablement installé face au Louvre le troisième livre présenté ici « le vol de la Joconde » et... la boucle est bouclée.

Une expo...

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Berthe Morisot

Musée d'Orsay,
 

jusqu'au 22 septembre 2019

Trop peu connue encore aujourd'hui, Berthe Morisot est pourtant une figure fondatrice de l'impressionnisme.

Reconnue par ses confrères comme une artiste à part entière, ses oeuvres ont été moins exposées que celles de ses contemporains et amis tels Édouard Manet, Claude Monet, Edgar Degas et Pierre Auguste Renoir.

Serait-ce parce que c'est une femme ?

Cette exposition permet de présenter le parcours exceptionnel de cette artiste.

Berthe Morisot (1841-1895) commence sa pratique artistique comme « talent d'agrément », chose très courante dans les familles de la bourgeoisie du 19e siècle. Très vite, Berthe va placer la peinture au centre de sa vie.

Dès la fin des années 1860, Berthe Morisot fait partie des artistes qui veulent renouveler la peinture en représentant le monde qui les entoure plutôt que des sujets historiques, religieux ou mythologiques.

En plus d'être une femme dans un milieu d'hommes, ses œuvres sont un témoignage de son temps : les intérieurs bourgeois, le développement des loisirs…

Muse peinte plus de dix fois par Édouard Manet, il était temps qu'un grand musée parisien lui fasse les honneurs d'exposer ses œuvres plus que celles pour lesquelles elle a posé !

L'exposition du Musée d'Orsay est à la fois une démarche artistique et féministe.

Pour se restaurer...

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Nicole’s

14 rue de Bellechasse 75007 Paris

 

Une brasserie bien agréable, principalement italienne mais qui propose également quelques plats de cuisine traditionnelle française.

Les prix sont standards.

C'est l'endroit idéal, même si la terrasse est un peu petite, pour se restaurer après une visite au musée d'Orsay.

Une librairie...

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Librairie Galignani

224 rue de Rivoli, 75001 PARIS

 

Une très belle librairie spacieuse et au décor boisé. Il y a un grand choix de romans mais également d'ouvrages sur les beaux-arts. Seul le rayon BD, romans graphiques, pêche un peu.

La moitié de cette grande librairie est consacrée aux livres en anglais... un véritable paradis pour nos amis touristes anglophones. On aimerait la même chose pour nous lors de nos escapades à l'étranger.

Galignani est la plus ancienne librairie anglo-saxonne ouverte à Paris.

Trois livres...

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Berthe Morisot, le secret de la femme en noir de Dominique Bona,

Livre de poche, 2000.

 

 

“Cette jeune femme en noir, au bouquet de violettes, aux yeux profonds, que peint Manet dans les années 1870, c'est Berthe-Morisot. Un modèle parmi d'autres ? Non : la seule femme du groupe des impressionnistes.”

 

Un livre qu'on a envie de lire tout de suite en sortant de l'exposition Berthe-Morisot au musée d'Orsay. Ou un livre qui donne envie de courir voir l'exposition pour mettre des images sur les toiles dont, grâce à Dominique Bona, on découvre la genèse.

Les tableaux de Berthe Morisot sont bien sûr l'expression d'une artiste mais également un témoignage d'une époque passée.

Il en est de même pour l'ouvrage de Dominique Bona. À la fois un bel hommage à une femme peintre dans un monde d'hommes, à une artiste qui a trop longtemps été placée au deuxième plan alors qu'elle était considérée par ses pairs comme leur égale dans l'art.

C'est aussi une plongée dans le bouillonnement créatif, les combats et les défis du monde artistique du 19e siècle.

Berthe Morisot est née en 1841, fille de préfet, elle appartient à la bourgeoisie. Ses premiers pas dans la peinture ne sont pas nécessairement surprenants. Dans son milieu, les jeunes filles « sont conduites » auprès de professeurs de dessin, de peinture, de musique... pour apprendre un art d'agrément et tromper l'ennui. Ce qui ne devait être qu'un passe-temps, Berthe en fera le centre de sa vie au point d'oublier souvent de manger et de retarder l'heure de se marier.

Tout au long de ces pages, c'est donc avec plaisir qu'on suit Berthe évoluer dans le clan des réfractaires à l'art officiel : Monet, Degas, Manet, Renoir

On s'amuse des critiques assassines de l'époque qui accusent ces grands noms d'aujourd'hui d'être des barbouilleurs. On frémit à l'évocation de la commune.

Comme dans chacun de ses livres, c'est avec un réel talent que Dominique Bona nous fait sentir une personnalité qui sort de l'ordinaire et une époque riche en changements artistiques.

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E.Manet, B.Morisot. Une passion impressionniste

de Jaffredo et Galli

Éditions Glénat, 2017

 

“1868, Berthe Morisot, peintre en devenir, rencontre le sulfureux Édouard Manet. Elle est impressionnée par son charisme et sa vision de l'art. Il est séduit par son intelligence et sa beauté. Véritables alter egos, ils ne cesseront de s'influencer mutuellement”.

 

Quelle déception ! Après avoir découvert de très bonnes bandes dessinées sur le milieu de l'art (Camille Claudel, Modigliani…) celle-ci n'est vraiment pas à la hauteur qu”on attend du genre.

La forme n'est pourtant pas inintéressante. L'histoire est construite par le dialogue épistolaire entre Berthe Morisot et sa soeur. C'est assez original mais cela ne suffit pas car le résultat manque de relief.

Il y a de très belles planches du point de vue graphique mais les “scènes” qui se succèdent sont bien plates.

Dans certains cas le choix de la police est esthétique mais peu lisible ce qui ne permet pas une lecture fluide.

Cela dit, la plus grande déception est plus profonde que ça. Lorsqu'on tient entre ses mains un ouvrage dans lequel il est question d'une femme peintre au 19e siècle, il me semble qu'on est en droit d'attendre qu'elle soit un peu plus mise en avant !

J'aurais aimé que cette bande dessinée mette l'accent sur son travail et sa position particulière dans un monde et un siècle d'hommes. Ce n'est tout de même pas rien que cette femme, née en 1841, ait eu une vraie place dans le groupe impressionniste, respectée et admirée de ses camarades qui ne sont pas moins que Degas, Renoir, Monet...

 

La bande dessinée met en lumière une histoire d'amour qui n'est pas avérée avec Édouard Manet (son beau-frère), il y avait à mon avis autre chose à raconter.

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Le vol de la Joconde de Dan Franck,

Grasset, 2019

 

"Picasso s'est coiffé d'un couvre-chef léger. Il a offert une pipe à son copain Apollinaire.

Ils paraissent très détendus. IIs refont joyeusement le périple que les limiers de la Préfecture, s'ils les recherchent, suivront à leur tour pour retrouver la Joconde volée au Louvre”.

 

Ce livre est excellent de drôlerie et d'inventivité.

Tout à la fois savant et plein d'un humour auquel je n'ai pu résister.

L'auteur part d'un fait réel : Guillaume Apollinaire et Pablo Picasso ont traversé Paris à la recherche d'un moyen pour se débarrasser de deux statuettes volées au Louvre par l'ancien secrétaire douteux du poète.

Les œuvres étant en possession de Picasso, il ne fait pas de doute pour Apollinaire que le branle-bas de combat autour du vol de la Joconde risque de mettre la police sur leur piste. IIs ont peur et ils ont raison ! Ils sont étrangers et leurs noms n'ont pas encore la résonance qu'ils ont aujourd'hui. Le monde ignore les turpitudes de ces deux génies.

L'auteur nous embarque dans leur périple donnant l'occasion de dialogues savoureux aussi bien sur l'art que sur le classement des toilettes dans Paris (celles du Lutetia arrivent alors en tête !)

Picasso ne veut pas être expulsé, trouvant que l'Espagne est un pays trop petit pour accueillir son génie. Apollinaire se demande où il pourra bien être renvoyé, en Italie où il est né ou bien en Pologne, pays d'origine de la famille de sa mère ?

L'auteur prend des libertés, n'hésitant pas à faire des anachronismes ou des digressions.

Cependant, il a la courtoisie de nous en prévenir et on lui pardonne aisément. C'est pour notre plus grand plaisir qu'il nous fait croiser la route d'artistes haut en couleur : Modigliani, Soutine, le Douanier Rousseau…. et j'en passe.

Dan Franck nous offre un véritable bon moment de lecture dans un roman tout autant loufoque qu'intelligent. Une tranche d'histoire du Paris qui semble définitivement disparu.

Trois films...

Ancre 1
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Roubaix, une lumière de Arnaud Desplechin

avec Roschdy Zem, Léa Seydoux, Sara Forestier,

1h59, drame, France

 

« À Roubaix, un soir de Noël, Daoud, le chef de la police locale et Louis, fraîchement diplômé, font face au meurtre d'une vieille femme. Les voisines de la victime, deux jeunes femmes toxicomanes, alcooliques et amantes sont témoins et suspects... »

 

C'est sans conteste un bon film. Malgré tout, certains aspects nous empêchent d'être entièrement convaincus.

Le côté polar-social est excellent. Le portrait d'une ville, sa lente évolution vers la misère, devenue une des plus pauvres de France est fin, loin de tout pathos.

Arnaud Desplechin, né à Roubaix nous donne a voir une réalité crue.

Par l'intermédiaire de son personnage principal, à qui il donne un passé dans la ville, on mesure l'étendue du drame de ces villes sinistrées.

 

Les acteurs sont excellents.

Roschdy Zem incarne à la perfection, la force tranquille de la loi, Léa Seydoux, la paumée au caractère bien endurci par la vie et Sara Forestier, tout aussi paumée avec son perpétuel air de lapin pris dans les phares d'une voiture.

Les intrigues annexes plantent le décor et soutiennent le versant social de ce polar.

 

Malheureusement le film dure plus que de raison pour ce qui finit par surtout ressembler à une série de portraits.

Un léger aspect psycho-philosophique pointe le bout de son nez et il n'était pas utile.

On reste tout de même sous le charme de Daoud, ce commissaire de police si humain et si intelligent qu'il nous donnerait presque envie de devenir délinquant pour croiser sa route !

Quitte à faire un film de deux heures, on aurait aimé avoir certaines réponses ou développements notamment sur l'histoire de Louis, la jeune recrue, ou même sur l'histoire familiale du grand et fort Daoud...

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Fête de famille de Cédric Kahn avec Catherine Deneuve, Emmanuelle Bercot, Vincent Macaigne, Cédric Kahn

1h41, comédie drame, France

 

“Aujourd'hui, c'est mon anniversaire et j'aimerais qu'on ne parle que de choses joyeuses”

Andrea ne sait pas encore que l'arrivée «surprise» de sa fille aînée, Claire, disparue depuis trois ans et bien décidée à reprendre ce qui lui est dû va bouleverser le programme et déclencher une tempête familiale.”

Il est vrai que le thème du règlement de compte familial, a été maintes fois traité, plus ou moins bien d'ailleurs.

Ici on serait plutôt dans le moins. Le sujet étant largement éculé, on nous promettait une touche d'originalité... Chez « Pourvu Qu'on Ait Livre's » on ne l'a pas perçue !

On est très loin de l'intensité dramatique de « Festen » mais également de l'humour assez fin de « Un air de famille ».

Les personnages sont si caricaturaux, que leurs confrontations donnent lieu à des scènes peu crédibles, parfois pénibles, souvent ridicules.

Les caractères sont très figés, leur quasi-absence de nuances rend le film trop cousu de fil blanc.

Chacun semble cadenassé dans un schéma et il n'y a plus guère de surprise : la mère qui refuse toute vague le jour de son anniversaire, son mari qui n'a d'autre avis que celui de sa femme, la fille aînée instable, le fils responsable, établi dans la vie, marié, deux enfants, le cadet lunaire qui se prend pour un artiste et multiplie les conquêtes...

Le jeu des acteurs est trop inégal pour rattraper le tout !

Avec ses deux derniers films, on va même finir par se demander si Catherine Deneuve a jamais été une bonne actrice !

Seule la fin apporte un élément quelque peu inattendu mais c'est tellement tordu qu'on arrive à peine à goûter à sa juste valeur cette fameuse pointe de différence qu'on était venu chercher.

 

Voilà une fête de famille qui se suit sans plaisir.

1h40 cela reste raisonnable ...pour un jour de pluie !

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Les hirondelles de Kaboul de  Zabou Breitman et ÉLéa Gobbé-Mévellec

1h21, animation, France.


 

 “Été 1998, Kaboul en ruines est occupée par les talibans. Moshen et Zunaira sont jeunes, ils s'aiment profondément.

 En dépit de la violence et de la misère quotidienne,  ils veulent croire en l'avenir.

 Un geste insensé de Moshen va faire basculer leurs vies.”

 

Un très beau film. Le fond est d'une grande dureté mais on s'y attendait puisqu'il s'agit d'une adaptation d’un des livres “choc” de Yasmina Khadra.

 Certains éléments ont été modifiés mais le propos reste le même.

 

 Moshen et Zunaira, après avoir vécu libres de lire, d'aller au cinéma, de s‘aimer en public ne parviennent pas à vivre dans le monde étriqué, imposé par les talibans. La scène de malaise ressenti par Zunaira lorsqu'elle enfile le tchadri est très bien menée.

 Elle rend visuelle les excellentes pages de Yasmina Khadra.

Les femmes sont comme prisonnières dehors, leur champ de vision est restreint et leurs mouvements entravés.

Face à ce jeune couple qui veut garder espoir, un autre couple semble ne pas se satisfaire du nouveau visage de Kaboul.

 

Atiq, dont la femme est en phase terminale d'un cancer,  s'est battu contre les Russes, il n'avait vécu jusque-là que pour l'indépendance de son pays. Aujourd'hui, il ne trouve pas sa place dans sa ville détruite, miséreuse où l'activité principale semble être la lapidation des femmes bien vite accusées d'adultères, de meurtres...

 L'espoir viendra peut-être de la rencontre entre la jeunesse cultivée éprise de liberté et le vieux moudjahidin dont la lutte a été dévoyée.

 

 Le dessin est très beau, il permet de prendre une distance salvatrice par rapport à la dureté et à la violence du sujet. Sans la pureté du trait, sans l'harmonie des couleurs, sans l’esthétique de l’enchaînement des plans, ce serait difficilement supportable.

... pourquoi pas ?

... vraiment pas mal

... à ne pas manquer

... à fuir !

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