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Escapade à Chartres (28)

3 novembre 2019

À 91 km du centre de Paris, Chartres offre une belle promenade au cœur du patrimoine.

La ville est largement connue pour ses édifices religieux, notamment sa cathédrale qui aux 12e et 13e siècles était alors « une des plus grandes cathédrales gothiques dédiées à la Vierge dans la France septentrionale ».

Mais Chartres, ce n'est pas que ça ! La ville haute, autour de la cathédrale et la ville basse au bord de l'Eure, constituent un bel ensemble d'édifices médiévaux et Renaissance.

La balade en ville est donc très agréable et les flâneries sur les bords de l'Eure sont charmantes.

Le « chemin des arts », instauré par la ville, a la bonne idée de mettre également à l'honneur l'art contemporain.

Chartres ne se contente pas de surfer sur le passé et mêle harmonieusement patrimoine et expressions artistiques actuelles.

À noter aussi, du mois d'avril au mois d'octobre, « Chartres en lumière », 24 sites sont alors illuminés tous les soirs avec des scénographies plus ou moins élaborées selon les lieux.

Deux musées...

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 Exposition Annie Busin «  femmes sans blessure apparente » du 14 septembre au 15 décembre

 Chapelle Saint-Eman

 11 rue Saint-Eman


 

 Construite du 8e au 9e siècle, sûrement sur le site d'un ancien ermitage, la chapelle Saint-Eman est aujourd'hui un lieu d'exposition consacré à la mosaïque.

 Le lieu a été confié à l'association « les 3 R ».  Rénover, Restaurer, Réhabiliter est une association qui relève de l'insertion par l'activité économique ( IAG) et de l'économie sociale et solidaire ( ESS).

 L'association a aussi développé une activité culturelle au travers de la mosaïque, par l'organisation des Rencontres Internationales de Mosaïque, la mise en place d'expositions d'artistes mosaïstes contemporains et d'ateliers créatifs.

 Associée aux  3 R, la ville de Chartres organise « le chemin des arts », une rencontre entre l'art et le  patrimoine.

 C'est dans ce cadre que le travail de la mosaïste lilloise , Annie Busin est exposé.

 

 La collection de bustes habillés de mosaïque est incroyable. L'ensemble, très cohérent donne une vue où l'esthétisme, parfaitement maîtrisé, ravit le visiteur.

 Après une première belle vue d'ensemble, chaque buste requiert une attention particulière.

 Le travail est d'une grande finesse, le choix des couleurs, des formes et des matériaux laisse songeur. On perçoit le travail titanesque de patience et de  minutie, on imagine le lien qui unit l'œuvre à l'artiste.

 Annie Busin a organisé sa recherche plastique autour de blessures féminines. Les titres des œuvres en sont le reflet. On peut regretter que la liste disponible pour les visiteurs ne soit pas plus explicite.

 On peut aussi se contenter du plaisir des yeux largement assouvi ici !

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Maison Picassiette

 22 rue du Repos, 28000 Chartres


 

Raymond Isidore est né à Chartres en 1900, septième et avant-dernier enfant d'une famille miséreuse.

 En 1929, il entreprend de construire sa maison. En un an, le gros œuvre est achevé, sa maisonnette, au confort minimal, va devenir le centre de sa vie. Le reste de son existence, Raymond Isidore, dit Picassiette, va le consacrer à décorer sa maison. La recouvrant de fresques, la mosaïque gagne petit à petit du terrain : murs, toitures... Les meubles sont peints et l'agrandissement de sa parcelle donne jour au « jardin du paradis ».

 C'est une vie de travail qu'on visite aujourd'hui mais c'est aussi dans une obsession qu'on pénètre.

 Les motifs sont largement religieux, issus le plus souvent de rêves nocturnes et le génie côtoie une santé mentale fragile.

 Picassiette fera plusieurs séjours en hôpital psychiatrique avant de mourir à 64 ans.

 Une belle visite ! Le lieu n'est pas très grand mais il y a tant à voir qu'on ne sait plus où donner de la tête.

Deux restos

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L'établi,

3 place Maurice Cazalis, 28000 Chartres

 

L'endroit est original. La déco tourne autour de l'atelier de bricolage et tous les plats portent un nom de ce thème : clou, marteau, masse…

L'accueil est vraiment très agréable, souriant, joyeux même dans les moments de « coup de feu ».

Ici le croque est à l'honneur mais transformé et largement décliné pour satisfaire tous les goûts.

En dessert, très bon pain perdu.

Les assiettes sont très copieuses.

Plats qui tournent autour de la dizaine d'euros.

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L'estaminet,

4 rue de la poissonnerie, 28000 Chartres

Une devanture à la peinture patinée qui donne un air d'antan à ce bistrot chaleureux.

On déguste ici, dans la bonne humeur, une cuisine traditionnelle simple, copieuse et à un prix très raisonnable par rapport à beaucoup d'autres adresses du quartier.

Entre la cathédrale et la Halle aux légumes, la terrasse de l'estaminet offre la perspective d'un déjeuner agréable.

Plats entre 12 et 13 €

Menu deux plats 17,50 €, trois plats 21,50 €

Une librairie...

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L'esperluette

10 rue Noël Ballay

28000 Chartres

 

Dans un très beau bâtiment ancien, l'Esperluette est la dernière librairie indépendante de Chartres.

L'endroit bénéficie d'un vaste espace qui permet de mettre en valeur beaucoup d'ouvrages et de créer des îlots plein de charme : une pièce dédiée à des expo photos, des romans classés par pays, un large espace pour la littérature jeunesse avec même des petits ateliers d'arts plastiques.

La déco est très sympa et on a envie de se perdre entre les livres.

Plusieurs rencontres d'auteurs sont organisées chaque mois.

On est ici dans un vrai lieu culturel !

Trois livres...

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Le Ghetto intérieur de Santiago H. Amigorena,

POL, 2019

 

« Vicente Rosenberg est arrivé en Argentine en 1928. Il a rencontré Rosita Szapire cinq ans plus tard. Vicente et Rosita se sont aimés, ils ont eu 3 enfants.

Mais lorsqu'il a su que sa mère allait mourir dans le ghetto de Varsovie, il a décidé de se taire. Ce roman raconte l'histoire de ce silence. »

 

Un roman prenant qui met en lumière plusieurs réflexions intéressantes : l'exil, la culpabilité, l'identité.

Le roman débute le 13 septembre 1940 dans le quartier du centre de Buenos Aires. Vicente ne sait pas encore si il est un jeune juif, un jeune polonais où un jeune argentin.

C'est à travers ces trois identités que va se construire le roman. Ce sont à chaque fois des événements extérieurs et les autres qui le poussent vers une judaïté dont il n'avait pas conscience et qu'il n'appelait pas particulièrement de ses vœux.

 

Sans cesse moqué et exclu par les polonais durant sa jeunesse, Vicente ne trouve pas sa place dans ce pays pour lequel il s'est engagé durant la guerre d'indépendance..

L'Argentine lui promet un nouveau départ. Malheureusement les événements aussi loin géographiquement qu'ils soient auront raison de son bonheur.

Sa famille est en proie à la barbarie qui déferle sur l'Europe. À travers les quelques lettres qu'il reçoit de sa mère, Vicente mesure le drame qui se joue entre les murs du ghetto de Varsovie.

Comment vivre normalement quand on sait ? Comment surmonter la culpabilité quand on a mis un océan entre sa mère et soi dans un désir d'émancipation ? Si il avait su que le nazisme allait emporté toute sa famille, il aurait mis sûrement plus de conviction à enjoindre les siens de le retrouver en Argentine. Mais il ne l'a pas fait, car au moment où cela était encore possible, il n'en avait pas vraiment envie.

Face à ses drames historiques et intimes, Vicente n'a plus les mots, la parole lui semble tellement dérisoire.

Santiago H.Amigorena, avec une écriture sobre nous fait vivre au plus près le mécanisme de cette lente marche vers le mutisme.

Mêlant habilement aux dates des grandes étapes de l'Holocauste des faits de la vie quotidienne, on cerne bien la difficulté de vivre de Vicente.

 

Le ghetto intérieur et un très bon livre qui navigue entre émotion et réflexion.

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La mer à l'envers de Marie Darrieussecq, POL, 2019

 

« Rose part en croisière avec ses enfants. elle rencontre Younès qui faisait naufrage. Rose est héroïque, mais seulement par moment. »

Un roman très bien écrit, avec un début plus que prometteur mais qui malheureusement m'a fait traverser un long moment d'ennui avant de faire renaître un petit regain d'intérêt.

Marie Darrieussecq décrit très bien Rose, cette femme à la croisée des chemins. Psychologue, mariée à un homme dont elle ne sait pas si elle veut se séparer, mère de deux enfants, parisienne qui veut fuir Paris.

Rose va vivre un désarroi plus grand que le simple sens de sa vie qui, si elle n'est pas satisfaisante, n'est tout de même pas menacée. En croisière pour se reposer et réfléchir, elle va assister au sauvetage de migrants.

Confrontée à la mort et à la détresse humaine, elle sera marquée à jamais par sa rencontre avec Younès à qui elle donne un manteau et le téléphone de son fils.

Toutes ces pages sont excellentes car elles dressent un portrait très crédible et interrogent sur les différentes réactions possibles face à un tel événement.

Une fois Rose rentrée à Paris, le roman perd peu à peu de son intérêt.

Certes l'auteur veut nous dépeindre une héroïne qui n'en n'est pas une. Alors on retrouve Rose dans ses tergiversations, à propos de son mari, à propos de son déménagement, à propos de ses enfants...On frise l'ennui mortel, peut-être que la démonstration de la banalité de sa vie aurait pu être plus courte !

 

La fin accroche de nouveau le lecteur. Les retrouvailles avec Younès font naître des questions qui interpellent, notamment sur le puissant désir fantasmé d'une d'Angleterre terre d'accueil !

Je regrette tout de même que l'auteure nous mène petit à petit sur un versant moins rationnel alors que le roman tirait sa force de son aspect très réaliste. Rose n'est plus que psychologue... elle soulage avec l'apposition de ses mains !

Cette évolution m'a semblé totalement inutile voire même contre-productive, en frisant le ridicule.

 

J'ai donc un avis en demi-teinte sur ce livre qui me semble vraiment trop inégal.

Malgré une belle plume, Marie Darrieussecq n'a pas totalement réussi à m'embarquer dans cette histoire malheureusement si tristement moderne.

Pourtant je pense qu'il en faut des romans sur ce sujet ! La littérature doit se faire témoignage et donner une vie à ceux qu'on ne fait que voir sur les écrans de nos postes de télévision.

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Les huit montagnes

de Paolo Cognetti

 

“Pietro est un enfant de la ville. L'été de ses 11 ans, ses parents louent une maison à Grana, au cœur du Val d'Aoste. Là-bas, il se lie d'amitié avec Bruno, un vacher de son âge. Tous deux parcourent inlassablement les alpages, forêt et chemins escarpés. Dans cette nature sauvage, le garçon découvre également une autre facette de son père qui, d'habitude taciturne et colérique, devient attentionné et se révèle un montagnard passionné.

Vingt ans plus tard, le jeune homme reviendra à Grana pour y trouver refuge et tenter de se réconcilier avec son passé.”

 

C'est une histoire qui met à l'honneur, la montagne, l'amitié, les liens au père. Ce roman se lit bien, c'est très beau, comme une sorte d'ôde à la nature et aux beaux sentiments.

 

Cela dit, il manque un petit quelque chose pour que “Les huit montagnes” soit un bon roman .

 

La première partie plante très bien, à la fois, le décor et l'ambiance. Pietro à 11 ans, on vit avec lui la découverte de la vie à la montagne et la naissance d'une très belle amitié. Pietro est un enfant de la ville, il va à l'école, il va découvrir le sentiment de liberté que procure la nature.

Mais, il me semble que sa plus grande liberté résidera dans ses possibilités de choix pour construire sa vie d'adulte, contrairement à son ami.

Bruno est vacher, il passe ses journées dans la montagne, l'école n'est pas la priorité de son père.

Cette amitié de vacances durera toute une vie malgré le temps et les distances.

La montagne a créé entre Pietro et Bruno un lien indéfectible.

Leur autre point commun tient dans les difficultés relationnelles avec leur père. Le père de Bruno n'est souvent qu'entraperçu mais on cerne très bien le personnage : affection minimaliste, seul compte le travail manuel, la parole rare...

Le père de Pietro est plutôt taciturne, la communication n'est pas son fort, son engouement, son amour inconditionnel des sommets l'empêche de voir que son fils souffre du mal des hauteurs.

Au final, ces pères “des montagnes” peinent à être des guides pour mener leur fils sur le chemin de la vie d'adulte.

“Les huit montagnes” offre de belles descriptions de randonnées en montagne, des paysages qui inspirent à la fois la liberté mais toujours accompagné de la notion d'effort, de surpassement de soi.

 

Ce livre serait un bon récit de vie mais, dans la catégorie « roman », il manque des ingrédients pour être complètement abouti.

 

On est souvent mis dans une position d'attente (d'un événement, d'une explication...) qui souvent ne s'avère pas à la hauteur de nos espérances.

Un cinéma...

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Les Enfants du paradis

13 rue Saint-Michel, 28000 Chartres

 

Un beau cinéma. La façade en résille de béton a conservé un portique du 19e siècle.

Sur le côté, une gigantesque fresque rend hommage aux grands noms du cinéma.

La programmation est très éclectique, il y en a donc pour tous les goûts en plein centre-ville.

Deux films...

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Sorry we missed you de Ken Loach

avec Chris Hitchen, Delbie Honeywood

1h40, drame, France Belgique

 

"Ricky, Abby et leurs deux enfants vivent à Newcastle. Leur famille est soudée et les parents travaillent dur. Alors qu'Abby travaille avec dévouement pour des personnes âgées à domicile, Ricky enchaîne les jobs mal payés."

Merci à Ken Loach de recentrer le débat sur l'essentiel, l'humain. Pas l'humain comme élément de la cosmologie, devant vivre en harmonie avec la nature... L'humain inscrit dans un monde du travail qui sous couvert de « liberté » (de choix, d'entreprendre) anéantit tout ce qui fait le plaisir de vivre : vie de famille, loisirs, travail épanouissant, relations sociales…

 

Ken Loach pose parfaitement bien la question des conditions de travail. Point primordial et au final préalable à tous les débats qui secouent aujourd'hui notre société : place du numérique, écologie, éducation des enfants…

Ricky, le père de famille est pris au piège de ce fantasme qui court de plus en plus les rues aujourd'hui : être travailleur indépendant.

On ne veut plus de patron sur le dos.. on trouve pire, un boîtier qui ne vous laisse pas plus de deux minutes de pause, qui enregistre vos déplacements, mesure votre rendement à chaque moment de la journée. Ricky va trouver le contraire de la liberté.

 

Quel mensonge que cette nouvelle forme de travail. Il n'est plus un employé, il est un collaborateur. Quel beau mot en échange de quoi, il paye son camion, son assurance, son essence, des amendes si il ne trouve pas de remplaçant le jour où il ne peut venir travailler.

Bien sûr, pas de couverture sociale.... !

C'est avec tristesse qu'on voit cette famille se perdre.

 

Ken Loach remet les choses à plat. Quand le système force à survivre plutôt qu'à vivre, on n'a plus les moyens de s'occuper de ses enfants, de réfléchir, ni le temps pour ce préoccuper du devenir de la planète.

 

Un film social, salutaire, qui met en images une réalité qu'il est temps de dénoncer comme l'exact contraire du progrès.

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Au bout du monde de Kiyoshi Kurosawa

avec Atsuko Maeda, Shôta Sametoni, Adiz Radjabov,

2h drame, Qatar Ouzbékistan

 

« Reporter pour une émission populaire au Japon, Yoko tourne en Ouzbékistan sans vraiment mettre du cœur à l'ouvrage.

Son rêve et en effet tout autre...

En faisant l'expérience d'une culture étrangère de rencontres en déconvenues, Yoko finira-t-elle par trouver sa voie ? »

 

D'un côté la mentalité japonaise, de l'autre la culture ouzbek, alors forcément c'est un film dépaysant mais pour apprécier il faut parfois accepter de se laisser porter et de ne pas avoir toutes les clés !

La jeune Yoko présentatrice cherche sa voie. Cette quête n'est pas toujours explicite. On est loin des introspections bavardes à la Woody Allen !

Heureusement, le film est très visuel, le malaise de Yoko est palpable et donne lieu à des scènes assez humoristiques.

À l'antenne, on voit une jeune femme enjouée pour présenter le folklore de ce pays. Notamment à la recherche un poisson rare dont on finira par douter de l'existence. Une fois la caméra éteinte, Yoko est repliée sur elle-même et peine à s'ouvrir sur cette culture ouzbek, si étrangère à ses repères.

Loin de son pays si codifié, on sourit avec amusement et tendresse de voir Yoko raser les murs, traverser les rues de façon... très originale, fuir devant la police...

Kiyoshi Kurosawa ne se moque pas, il nous donne à voir ce qu'on appelle le choc des cultures. Il souligne avec finesse le mal-être d'une jeune génération japonaise qui peine à sortir d'une voie qui lui a été tracée.

Il met en lumière la difficulté des Japonais à s'ouvrir sur le monde extérieur. Le chemin de Yoko va être long et parsemé d'embûches avant d'être capable d'ouvrir les yeux sur les magnifiques paysages qui l'entourent et ses habitants.

« Au bout du monde » traîne un peu en longueur mais, entre voyage géographie et plongée dans des cultures autres que la nôtre, ce moment cinématographique est plutôt agréable.

... pourquoi pas ?

... vraiment pas mal

... à ne pas manquer

... à fuir !

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Spécial camping-car
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