Jean de Florette
Pagnol Marcel
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Jean de Florette de Marcel Pagnol
Édition Grasset et Fasquelle
« Au village des Bastides Blanches, on hait ceux de Crespin. C'est pourquoi lorsque Jean Cadoret, le Bossu, s’installe à la ferme des Romarins, on ne lui parle pas de la source cachée. Ce qui facilite les manœuvres des Soubeyran, le Papet et son neveu Ugolin qui veulent lui acheter son domaine à bas prix… »
L'histoire est dramatique mais certains dialogues sont si chargés d’humour qu'on pourrait rire et pleurer à la fois.
On retrouve ici les chères collines de Marcel Pagnol. Les descriptions de la nature sont empreintes de tendresse dans laquelle on sent une certaine mélancolie.
Dans les paysages secs de la garrigue, l'eau est un trésor, elle est la condition de vie dans ce paysage qui, si beau soit-il, peut vite devenir hostile.
L'eau sera au cœur du drame qui se joue ici. Sous ses airs d'écrivain du terroir, Marcel Pagnol développe des caractères humains sans complaisance. Mine de rien, l'écriture teintée d'humour vire à l’ironie plus mordante. La bêtise des villageois est mise en avant tout autant que celle de celui qui veut s'improviser paysan en ne s'appuyant que sur les livres.
Le Bossu qui s'installe à la ferme des Romarins avec sa femme et sa fille a de grands rêves de cultures modernes.
Sur le papier, son affaire ne peut que fonctionner. Il calcule tout scientifiquement allant jusqu'à estimer le nombre de jours dont le ciel est comptable de pluie.
Le manque d'eau le fera s'user la santé, obligé qu'il est, d'aller la chercher à plusieurs kilomètres par les sentiers. Personne ne lui dira qu'une source est sur son terrain. Les villageois le regarderont trimer parce que le Bossu a le tort de venir du village voisin ennemi et parce qu'on ne s'occupe pas des affaires des autres.
Les autres, ce sont les Soubeyran, la famille la plus riche du village dont il ne reste plus que deux membres : le Papet et son neveu Ugolin. Pour le premier, si on pressent une blessure de jeunesse, il n'en n'est pas moins redoutable : un sou est un sou.
Le second est un peu simplet et il pourrait s'attendrir des malheurs du Bossu mais son idée fixe de se lancer dans la culture des œillets lui fait perdre le peu d'empathie dont il est capable.
Ce sont ces deux ostrogoths qui ont bouché la source. Le Papet est à la manœuvre, Ugolin fait semblant de se lier d'amitié avec la famille de celui que tout le monde appelle Jean de Florette (prénom de sa mère). Seule la petite Manon sentira la duplicité du personnage. Tandis que les deux comparses assistent à l'échec du Bossu comme un spectacle réjouissant, le lecteur en rage de l'attitude de ses horribles personnages et peine avec la famille de celle qui deviendra Manon des sources.
L’écriture est limpide, le drame excellemment bien mené et les portraits sont d'une grande finesse. On est complètement emporté par ce drame ! Impossible de ne pas lire la suite…